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partielle peut se prolonger sans qu’un dénouement s’impose. L’Europe, dans toute cette crise, montre plus d’embarras que de résolution.


Nous ne voulons pas terminer notre chronique sans dire un mot du vote par la Chambre du traité que nous avons enfin conclu avec l’Espagne à propos du Maroc : il a été voté à l’unanimité après un discours de M. le ministre des Affaires étrangères, qui a obtenu, chose rare, un assentiment général. M. Jonnart a eu la bonne fortune de satisfaire, tout le monde. Il a été longtemps, on le sait, gouverneur général de l’Algérie, et toutes les questions qui touchent à l’Afrique septentrionale lui sont familières. Bien qu’il n’ait pas eu l’occasion de traiter personnellement celle du Maroc, il la connaît, et il sait notamment qu’au Maroc, aussi bien qu’en Algérie dans la province d’Oran, nous avons affaire aux Espagnols et nous devons les traiter en amis. Leur situation n’est sans, doute pas la même des deux côtés de la Moulouya, mais ici et là, sous des formes différentes, ils sont nos collaborateurs dans l’œuvre de civilisation qu’eux et nous avons entreprise. Nous avons toujours demandé, pour notre compte, qu’on s’entendît cordialement et loyalement avec eux pour la détermination de nos zones d’influence, afin de supprimer dans l’avenir toute difficulté entre nous. Quant à leur droit de faire dans une partie du Maroc ce que nous faisons dans l’autre, il est fondé sur l’histoire, il est le prix de grands sacrifices qu’ils ont faits héroïquement et nous aurions eu mauvaise grâce à le contester aujourd’hui : au surplus, nous l’avions déjà formellement reconnu. Il y a eu à la vérité, par momens, quelques polémiques acerbes entre les journaux des deux pays, et l’opinion en a été excitée plus que nous ne l’aurions voulu; mais les deux gouvernemens ont toujours gardé leur sang-froid. C’était le devoir des négociateurs des deux pays de défendre leurs intérêts pied à pied et ils s’en sont acquittés de leur mieux. La négociation a paru longue, mais ne vaut-il pas mieux discuter longtemps si on doit aboutir à s’entendre pour toujours, et nous espérons bien que tel est le résultat que nous avons obtenu ? Le grand mérite de M. Jonnart, celui qui lui a valu les applaudissemens de toute la Chambre, est d’avoir exprimé les vrais sentimens de la France à l’égard de l’Espagne, sentimens que notre fraternité latine rend particulièrement cordiaux. Voisins de l’Espagne en Europe et en Afrique, nous avons une double raison de vivre avec elle en bons termes puisque, s’il en était autrement, les conséquences en seraient doublement graves pour elle et pour nous.