La Chambre des députés a enfin entamé la discussion de la loi militaire, mais, au train dont elle marche, il est difficile de dire quand elle
la terminera. Plus de cinquante orateurs sont inscrits pour prendre la
parole, sans compter ceux du gouvernement et de la Commission.
La question est très importante sans doute et très grave, elle est même
la plus importante et la plus grave qu’il soit possible, mais dans toutes,
les questions, sans en excepter les plus compliquées, il n’y a qu’un
nombre assez limité d’argumens à mettre en ligne et lorsqu’on les voit
passer et repasser trop souvent, on ne tarde pas à s’en fatiguer.
Au moment où nous sommes, tous, ou peu s’en faut, ont déjà été
portés à la tribune, et on aura de la peine à en trouver beaucoup de
nouveaux. La Chambre ferait d’autant mieux de clore la discussion
générale qu’elle recommencera presque inévitablement avec certains
contre-projets, par exemple avec celui de M. Jaurès. M. Jaurès, en
effet, n’a pas encore donné, ce qui équivaut à dire qu’il y a, à l’extrême
gauche, d’immenses réserves oratoires qui restent intactes et ne
seront pas de sitôt épuisées.
Il faut s’attendre d’ailleurs à ce que l’opposition socialiste et radicale use de tous les moyens pour retarder le vote final, dans l’espoir de renverser auparavant le ministère, contre lequel elle déploie un acharnement qu’aucun échec ne décourage et qui n’a même pas attendu l’ouverture de la discussion militaire pour se manifester avec une activité passionnée. Cet espoir ne semblait pas irréalisable. Sa première rencontre avec la Chambre, avant les vacances de Pâques, n’avait pas été bien favorable au Cabinet. Sans doute il avait eu la majorité, mais une majorité très faible, et l’accueil qu’il avait reçu avait été particulièrement froid. M. Barthou a eu le bon esprit de n’en être pas