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Ce sont bien là, en effet, les sentimens qui nous animent. Nous avons reconnu, à l’usage, la parfaite loyauté de l’Angleterre dans la politique qu’elle a une fois adoptée et elle nous rend le même témoignage. L’entente cordiale, qui a été, il y a quelques années, l’œuvre personnelle d’Edouard VII, est devenue depuis une des bases les plus solides de l’équilibre européen et de la paix. « Ces derniers mois, a dit le roi George, lorsque de graves questions internationales se succédaient, l’esprit de confiance et de franchise mutuelle avec lequel la France et la Grande-Bretagne ont abordé ces divers problèmes, a prouvé qu’il était d’un prix inestimable. » Rien de plus juste que ce jugement venu de si haut. Dans la tâche commune qu’elles se sont donnée, les deux nations « se sont senties attirées l’une vers l’autre par un même intérêt et par un but identique. » C’est là ce sentiment qui fait les ententes durables et fécondes. La politique générale a rapproché l’Angleterre et la France ; leur intérêt bien entendu les a poussées l’une vers l’autre ; la cordialité, la confiance, l’intimité, sont venues ensuite et n’ont pas cessé de resserrer leur union. L’entente entre elles a précédé de plusieurs années l’ouverture de la crise balkanique. Lorsqu’elle s’est ouverte, les deux gouvernemens n’ont jamais eu de peine à se mettre d’accord sur les difficultés à résoudre, et leur accord a eu jusqu’ici sur les événemens une influence heureuse, qui n’a pas peu contribué au maintien de la paix. A cela, nous l’avouons, la France et l’Angleterre ont eu peut-être moins de mérite que n’en auraient eu d’autres gouvernemens plus directement intéressés aux affaires d’Orient ; mais, pour ce motif même, leur action a pu s’exercer sans susciter d’ombrages, et elle n’en a été que plus efficace. Ce n’est pas un fait indifférent pour l’équilibre du monde que l’entente hautement affirmée entre les deux grands pays libéraux de l’Europe occidentale. Voilà pourquoi il y a eu, soit en France, soit en Angleterre, une sorte de tressaillement lorsque M. Poincaré a débarqué sur le sol britannique.

D’autres visites de chefs d’État avaient déjà provoqué un vif enthousiasme : il semble que, cette fois, plus d’effusion s’y soit mêlé. Les manifestations extérieures du sentiment populaire ont paru venir plus spontanément du cœur. Demain, la ville de Londres aura repris son aspect habituel ; les drapeaux auront disparu, les illuminations seront éteintes, les inscriptions multipliées, prodiguées sur la voie publique seront effacées, mais de tout cela survivra quelque chose de plus qu’un souvenir. Le mot du Roi restera. Les deux pays auront compris plus distinctement, auront senti plus fortement qu’ils ont