Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« un même intérêt et un but identique. » La paix du monde y trouvera peut-être sa meilleure garantie.


Cette paix, malheureusement, n’est rien moins qu’assurée. Il y a quinze jours, nous avons terminé notre dernière chronique sur une hôte pessimiste : nous ne pouvons pas commencer celle-ci sur une note confiante, car les choses d’Orient sont plus embrouillées que jamais. Le danger actuel de la situation résulte du dissentiment très grave qui existe entre la Bulgarie et la Serbie. Si on parvient à le résoudre, toutes les difficultés ne seront pas résolues pour cela ; d’autres apparaissent déjà, échelonnées dans l’avenir ; la diplomatie doit s’armer d’une longue patience ; mais à chaque jour suffit sa peine : le conflit bulgaro-serbe est la grosse affaire d’aujourd’hui.

On sait comment il se présente. Lorsque les pays balkaniques, au printemps de l’année dernière, ont conclu entre eux les traités qui leur ont donné l’audace d’attaquer la Turquie et la force de la vaincre, ils étaient loin de s’attendre à ce que leur victoire devait avoir de foudroyant et de décisif ; leurs arrangemens n’avaient pas prévu l’effondrement de l’Empire ottoman aussi rapide et aussi profond qu’il s’est produit. Toutefois, s’il y a eu pour eux des surprises heureuses, d’autres l’ont été moins. La Serbie, par exemple, ne s’était pas attendue à ce que quelques-unes des conquêtes qu’elle avait faites seraient l’objet d’un veto opposé par l’Autriche, à la suite duquel elle a dû finalement en abandonner une partie. Cette obligation, qui lui a été imposée par l’Europe en vue du maintien de la paix générale, lui a été extrêmement pénible. Un des objets principaux et permanens de sa politique était l’accès à l’Adriatique et cet objet, elle a pu croire un moment qu’elle l’avait atteint. La déception a été prompte et amère. On a bien promis à la Serbie qu’un débouché économique lui serait donné sur l’Adriatique au moyen d’un chemin de fer dont la liberté serait garantie par l’Europe, mais il y avait loin de ce résultat modeste à celui qu’elle avait espéré. L’intervention diplomatique de l’Autriche avait eu un second objet, la création d’une Albanie autonome, avec une étendue assez grande pour qu’elle servît de contrepoids, dans les Balkans, au développement de la puissance slave. La Serbie ne pouvait pas se dissimuler que l’Albanie était faite contre elle, et elle devait se dépouiller, pour la renforcer, d’une partie des territoires qu’elle avait si chèrement acquis. Cette seconde obligation n’était ni moins pénible, ni moins amère que l’autre ; la Serbie a dû néanmoins y consentir, puisque l’Europe lui conseillait de le faire et que les conseils de l’Europe