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I. — quelles sont les idées essentielles de la science aristotélicienne ?

De tous les systèmes qu’ont construits les Anciens, celui qu’organisa Aristote [384-322] semble avoir obtenu le plus de crédit et exercé le plus d’influence : nul doute qu’il ne représente le point d’arrivée d’une longue tradition, babylonienne autant qu’hellénique. Le monde est une grosse boule sphérique, limitée, hors de laquelle il n’est rien, dont la terre occupe le centre, et qui est constituée par huit autres sphères de grandeur croissante, toutes homocentriques : tels, certains jouets de nos enfans. Ces huit sphères creuses, emboîtées l’une dans l’autre, sont des corps solides porteurs des astres ; chacune est animée d’un mouvement circulaire et uniforme, qui l’entraîne autour de la terre ; comme le centre d’une sphère qui tourne est nécessairement immobile, il s’ensuit que l’absolue immobilité de la terre résulte des mouvemens des cieux, et que la terre est physiquement séparée des cieux. — Mais il faut noter encore que ceux-ci n’obéissent pas aux mêmes lois que celle-là : en un sens, le monde est double ; il est formé par l’assemblage de deux morceaux hétérogènes limités par l’orbe lunaire. Au-dessus, et tout autour de la terre, c’est le ciel, ce sont les astres, c’est-à-dire les dieux ; et la perfection de leur mystérieuse essence, comme elle les anime sans fin d’un mouvement circulaire, écarte d’eux à jamais la corruption et la mort. Au-dessous, et au milieu des sphères célestes, c’est la terre, ce sont les corps, tous composés par d’inégaux mélanges de quatre essences fondamentales[1], tous sujets à la génération et à la mort, tous entraînés par des mouvemens compliqués et imparfaits. Ce monde sublunaire est entièrement régi par les mouvemens des corps célestes.

Cette physique avait l’avantage de s’accorder solidement avec la métaphysique du Lycée ; elle s’accordait moins bien avec l’expérience. On s’aperçut bientôt que les astres errans ne demeuraient pas toujours à égale distance de la terre : que devenaient donc ces sphères solides, homocentriques, géocentriques, par où Aristote tentait d’expliquer le mouvement des astres ? Il fallait essayer d’autre chose.

  1. Terre, eau, air, feu.