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délégués reçoivent des instructions écrites en vue du sabotage.

Dans les réunions des Fédérations, l’action est concertée avec les anarchistes, « pour, en cas de guerre, empêcher les départs à la gare de l’Est. » En province, 93 bourses suivent le mouvement. On y entend des appels comme celui-ci : « Si par mégarde une balle partait de votre arme, qu’elle soit au moins intelligente ! » Le 25 novembre 1912, le Comité d’entente des Jeunesses syndicalistes affirme sa solidarité avec la Fédération communiste anarchiste en distribuant à la porte des usines un tract où sont reproduites les recettes de sabotage, citées plus haut, du Mouvement anarchiste du même mois. Bref, toutes les organisations ouvrières sont sans exception domestiquées au service de l’antipatriotisme anarchiste sur la base de l’insurrection en cas de guerre et du sabotage de la mobilisation.

Les représentans élus des socialistes ne diffèrent pas, à cet égard, des militans syndicalistes. En septembre 1907, M. Jaurès dit au Tivoli Vauxhall, en s’appropriant terme pour terme le vocabulaire anarchiste : « Le devoir des prolétaires, si la guerre était déclarée contre leur volonté, serait de retenir les fusils pour abattre révolutionnairement le gouvernement de crime. » En avril 1909, c’est à la demande de M. Jaurès que le Congrès de Saint-Étienne refuse de voter l’exclusion demandée contre M. Hervé par les Guesdistes. Le 27 septembre 1912, dans une réunion de la jeunesse socialiste du XXe arrondissement, M. Fribourg déclare que « les socialistes feront leur devoir en répondant à la déclaration de guerre par l’insurrection. » Et M. Dejeante célèbre la Commune.

Le Comité national des Jeunesses, qui fonctionne sous le patronage des plus notoires députés socialistes, écrit : « Pour toi, jeune soldat, l’ennemi n’est pas le travailleur, fùt-il de l’autre côté de la frontière et revêtu comme toi de la livrée militaire, mais bien l’exploiteur national ou cosmopolite. » Le 14 novembre 1912, M. Marcel Cachin, conseiller municipal de Paris, fait voter dans une réunion un ordre du jour qui porte : « Les citoyens réunis déclarent qu’ils préfèrent l’insurrection à la guerre au cas où les événemens balkaniques amèneraient une conflagration générale. »

A la Chambre enfin, le 30 novembre et le ler décembre 1912, au cours d’un débat sur l’antimilitarisme, les députés unifiés manifestent leurs sentimens par les interruptions suivantes :