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dont nous ne connaissons pas le nom. Quoique ayant un portail dont la voussure est ornée de torses et de gorges en zigzag et qui indiqueraient, chez nous, l’époque romane, M. Enlart la date du XVe siècle mais il ne sait si elle a été bâtie par les Latins, les Grecs ou les Arméniens.

« Cette église est un curieux exemple du mélange des styles gothiques de France, d’Aragon et du style byzantin, avec des formes qui rappellent les édifices d’Arménie ; elle montre surtout quel énorme retour en arrière les influences grecques et italiennes imprimèrent, à partir du XIVe siècle, à l’architecture de Chypre. »

Construite sans contreforts, elle est dans un très bon état de conservation. On voit dans les voûtes, des cruches acoustiques[1] et, sur les parois, des restes de médiocres peintures byzantines.

Près du bastion Martinengo, toujours dans cette même suite d’édifices, s’élève Sainte-Marie du Carmel, une des plus importantes de ce quartier de Famagouste et un des plus beaux monumens de Chypre. « Appartenant au style gothique du midi de la France, sa construction semble dater de l’époque du séjour de Saint-Pierre Thomas ; elle fut probablement élevée au retour des voyages qu’il entreprit avec Pierre Ier à travers les cours de l’Europe, et grâce aux aumônes qu’il avait recueillies dans ses tournées. »

Très simple, composée d’une nef de quatre travées, elle se termine par une abside à trois pans ; malheureusement les voûtes se sont écroulées. Elle était décorée de peintures italiennes des XIVe et XVe siècles, dont on voit encore de nombreux vestiges : tels que saint Georges, terrassant le dragon sous les yeux d’une jeune fille épouvantée ; une sainte, d’une très élégante facture, tenant un livre ; des écus de Chypre ou d’Arménie, de Jérusalem et de Lusignan. Sur le côté sud, à l’extérieur, une conduite de poterie qui servait à déverser les eaux tombées sur les terrasses, est encore en place.

Enfin, tout à fait à l’angle nord-ouest, voici la dernière de ces églises, c’est plutôt une chapelle à cause de l’exiguïté de ses dimensions ; elle appartenait aux Arméniens et se compose d’une nef d’une seule travée et d’une abside, auxquelles on a accolé

  1. Les cruches acoustiques sont des cruches dont la panse est engagée dans la maçonnerie et dont le goulot est tourné vers l’intérieur de l’édifice ; elles étaient destinées à empêcher les résonances.