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notamment celle de M. Lacroix sur les laves de la montagne Pelée : ces laves, vitreuses quand elles se figent à l’air, se remplissent de cristaux dès qu’elles se refroidissent sous un manteau même peu épais de roches antérieurement solidifiées. Le fond de l’Atlantique au nord des Açores a donc été couvert de laves alors qu’il était émergé. Il s’est donc effondré de plus de 3 000 mètres.

Si on ajoute à ces argumens de la géologie ceux que M. Louis Germain nous a apportés au nom de la zoologie comparée, on acquiert la conviction que l’histoire de l’Atlantide est réellement arrivée, et à une époque qui, géologiquement, est très près de nous, et on frémit en songeant à ce continent immense englouti soudain avec ses habitans, ses richesses, ses Ailles, ses paysages charmans dont Madère nous donne une image, dans le sein de la mer carnassière et cruelle.

Le pôle continental de la Terre eut sans doute été alors en un endroit bien différent de celui qu’a déterminé M. Berget. Des mesures de celui-ci il résulte finalement que, dans l’hémisphère continental de la Terre, le sol émergé occupe 45,5 pour 100 de la surface, et, dans l’autre, 11,3 pour 100 seulement. Donc, en chiffres ronds, l’hémisphère continental contient autant de terres que d’eau alors que l’hémisphère océanique renferme neuf fois plus d’eau que déterres.

Qu’on nous pardonne de terminer par des chiffres un peu brutaux dans leur sécheresse, la mélancolique histoire de l’Atlantide. La poésie est bien moins amusante quand il y faut mêler des chiffres. Pourtant un adage grec prétend que Ἀεὶ θεὸς γεωμετρεί, ce qu’on peut traduire un peu librement : Pour être un dieu, il faut savoir la géométrie.

C’est du moins une condition nécessaire, mais je ne sais si elle est suffisante...


CHARLES NORDMANN.