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surabondance : le calme, le recueillement dans la prière, le rafraîchissement dans le Seigneur, la jouissance solitaire et délicieuse de son cœur et de son esprit enfin pacifiés.

Le trajet est très court de Varèse à Casciago : une lieue au plus. Nous y voici déjà. Sur un fort épaulement de terrain s’éparpillent quelques maisonnettes, que domine, tout en haut, une usine, avec sa cheminée de briques et son panache de fumée. On me dit que c’est une filature de coton. Et mon cœur se serre à la pensée que l’odieuse fabrique occupe peut-être l’emplacement de la villa de Vérécundus. Je me remémore les Dialogues écrits, à Cassiciacum, par saint Augustin. On y descend fréquemment sur le pré pour discuter philosophie. Or voici le pré, au bas de la colline, de l’autre côté de la route. Cette colline elle-même est le lieu le plus élevé du village, le plus salubre sans doute et le mieux aéré. L’endroit était tout indiqué pour une maison de campagne. Alors, c’est du côté de la filature de coton qu’il faut chercher ?...

Mais je me souviens aussi que Casciago possède un palazzo célèbre dans toute la contrée, celui des Castelbarco. Un lieu seigneurial a presque toujours de lointaines origines, et il est bien rare qu’il devienne complètement désert. Le château appelle le château. Des raisons d’hygiène, de commodité, de beauté y attirent de nouveau des hôtes, même après un long temps d’abandon. Il est donc assez vraisemblable de voir dans les Castelbarco les héritiers et les successeurs de Vérécundus. — Je ne me dissimule pas la fragilité de ce raisonnement, ni combien il fut influencé par l’horreur de la filature. Encore une fois, le sentiment est peut-être le guide le moins trompeur en ces obscures matières. Jusqu’à ce que des fouilles nous aient restitué les débris authentiques de la villa romaine, nous ne pouvons que tâtonner, avec plus ou moins de bonheur, dans nos investigations. Il suffit que l’emplacement choisi par nous s’accorde aussi bien que possible avec les textes.

D’ailleurs, mon cocher, sans prendre mon avis, me conduit, à la plus fringante allure, jusqu’à la grille du palazzo : ce doit être un but de promenade pour les touristes. Mais la concierge, brusquement surgie, se précipite à la tête des chevaux, et nous crie, toute palpitante d’une respectueuse émotion :

La principessa e arrivata !

Du moment que la princesse est arrivée, je ne puis que