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ville rose, les beaux conseillers et, près d’eux, aux degrés divers de la hiérarchie, les tribunaux et le barreau. Il connaissait tout uniment le collège et son recueillement. Il était pieux et docile, même de loin, à l’influence de sa mère. Bref, cessant d’être élève, après sa rhétorique, il entra dans la congrégation des Doctrinaires.

Le 17 mai 1772, « M. Joseph Joubert, fils de M. Jean Joubert et de Marie-Anne Gontier, du lieu de Montignac-le-Comte, diocèse de Sarlat, âgé de dix-huit ans, a pris la soutane de la congrégation. En foi de quoi, (signé) Castaing, de la Doctrine, maître des novices[1]. » Joseph Joubert est inscrit en ces termes au registre des vêtures.

Le voici habillé de la soutane des clercs, cousue à la hauteur de deux pieds, le reste boutonné jusqu’au menton, la soutane des prêtres séculiers, plus un petit collet large de deux doigts ; pour l’hiver, un manteau de la longueur de la soutane. A tous les exercices de la journée, il porte le bonnet carré. A la chapelle, le surplis[2].

Il se lève à quatre heures du matin. Il récite chaque jour le bréviaire, l’office de la Vierge et le chapelet. Il ne demeure plus à l’Esquille, au moins les premiers temps, mais à la maison-mère, plus voisine du Capitole, où les probationnistes se préparent au noviciat. Il prend ses repas avec ses collègues, assis tous du même côté d’une table longue, n’ayant devant lui personne, en silence, tandis qu’un lecteur à la bonne voix corrige par l’énoncé de pensées pieuses et de conseils spirituels la grossière concupiscence de la nourriture. Mais il ne fait pas abstinence de viande. La règle qu’il accepte est rigoureuse, non ascétique.

Il est alors un adolescent délicat, très mince et grand : je suppose qu’il atteint le bout de sa croissance : or, un passeport daté de 1822 et qu’il s’était procuré pour aller de Villeneuve à Paris, donne son signalement et lui attribue la taille d’un mètre quatre-vingts centimètres. Il n’était pas le petit homme qu’on imagine ; et il n’était pas du tout l’homme que d’habitude on représente. La soutane encore l’allongeait ; et, même étroite, elle faisait des plis dans la longueur de son corps maigre. Un

  1. Registre 69 de la série D (fonds des Doctrinaires) aux Archives de Toulouse. Ce registre m’a été signalé par M. Félix Pasquier, archiviste de la Haute-Garonne.
  2. Cf. Migne, Dictionnaire des ordres religieux, t. Il (t. XXI de l’ « Encyclopédie théologique, » p. 16 et suiv.).