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de la douce Madone qui figure dans la Nativité de Dijon, donnée au maître de Mérode ; la juive Zélénie, en long corsage blanc et robe rouge, est coiffée d’un turban orange comme la Zélénie dijonnaise à laquelle elle ressemble d’ailleurs aussi par la rondeur un peu exagérée des joues, particularité physionomique propre au maître de Mérode. Le duc Philippe avec sa tête osseuse, Charolais au teint bruni, et dame Isabeau vêtue d’un « accoutrement d’argent semé de roses d’or, » comme dit un texte du XVIIe siècle, sont de bons portraits d’un disciple des van Eyck. Mais il y a plus d’un caractère « eyckien, » et surtout « hubertien » dans l’œuvre du maître de Mérode. Des archéologues gantois, MM. A. Heins et L. Maeterlinck reconnaissent même formellement des monumens de leur ville dans les fonds de la Nativité dijonnaise (le château des Comtes, l’église Saint-Nicolas et même la Grande Boucherie décorée par Nabur Martins) et dans les sites urbains de l’Annonciation de Mérode (le steen de Gérard le Diable, l’église Sainte-Pharaïlde, l’église Saint-Jacques). La tentation était grande de démontrer que le maître de Mérode était disciple de Hubert, que ses origines artistiques étaient gantoises. Des érudits gantois n’y ont pas résisté. « Voyez la peinture de la Boucherie, nous dit-on. Elle est sûrement du maître de Mérode ; ne cherchons plus du côté de Tournai ; abandonnons Campin comme nous avons abandonné Daret et mettons sur le front de Nabur Martins, les lauriers qui reviennent au peintre de l’Annonciation de Mérode, des panneaux de Heinrich von Werl et des sublimes fragmens de Francfort. »

Les œuvres cataloguées sous l’étiquette de Flémalle ou de Mérode, répondrons-nous, sont de plusieurs mains, et le maître qui domine ce groupe est un géant qui se tient entre les van Eyck et Roger en se haussant à leur taille. La Nativité de Dijon ne nous paraît pas de sa main, non plus que celle de la Boucherie. Votre Nabur Martins ne marche point de pair avec ce surhomme. Il se contente de faire partie de sa suite.


Il faut attendre les environs de 1470 pour voir refleurir à Gand les vertus géniales des van Eyck dans l’œuvre ardente et grave de Hugo van der Goes. Petrus Christus né à Baerle près de Gand représentait évidemment la tradition des peintres de l’Agneau ; mais devenu bourgeois de Bruges, il avait en outre