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triptyque conservé dans l’une des chapelles absidales de Saint-Bavon, non loin du polyptyque des van Eyck. Ce triptyque est un Crucifiement où l’on démêle difficilement des traditions gantoises ; l’auteur est un épigone de Roger et de Thierry Bouts ; il soigne les vêtemens, les accessoires, affine ses personnages en les allongeant et rachète la monotonie de son coloris par les complications d’un paysage tributaire déjà du romantisme de nos italianisans du XVIe siècle. Un instant aussi, Gérard van der Meire fut considéré comme l’auteur du retable de Saint-Gilles conservé moitié à la National Gallery et moitié dans la collection Steinkopff (Londres). On se demande comment on a pu rassembler sous une même étiquette l’auteur de ce retable et celui du Crucifiement de Saint-Bavon. Le catalogue du « Maître de Saint-Gilles » reste peu abondant : deux petits portraits à Chantilly, une Arrestation du Christ de la collection Gardon à Bruxelles, une Présentation au Temple et une Fuite en Egypte de la collection Kaufmann à Berlin, un Saint Jérôme au Kaiser Friedrich Museum, un Épisode de l’histoire de saint Rémi jadis dans la collection de Beurnonville, une Madone à mi-corps dans le commerce (chez F. Kleinberger en 1911),

Le choix de certains sujets, l’exactitude avec laquelle sont reproduits d’anciens détails architecturaux de la basilique de Saint-Denis dans le retable de Saint-Gilles, sont les preuves d’un séjour de cet intéressant « anonyme » en France. Peut-être était-il Français ? Mais ses effets de clair-obscur, son soin extrême à individualiser les mains (comme Hugo van der Goes et Giusto da Guanto) disent l’ascendance flamande et spécialement gantoise de ce maître qui florissait vers 1500. Nul spécimen de son art n’est signalé à Gand. — Deux tableaux du musée de la ville témoignent d’une survivance des enseignemens de van der Goes dans l’école gantoise à l’extrême fin du XVe siècle, deux Familles de Sainte Anne, l’une en triptyque, l’autre sur un seul panneau ; très semblables par la disposition de leurs personnages, dérivant sûrement de l’école du peintre des Portinari, ce sont des documens remarquables, mais des documens plus que des œuvres ; et malgré le charme du visage de la Vierge dans la petite version, ces Familles font comprendre à quel point il était temps que l’esthétique flamande se renouvelât.