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du corps à ceux qu’ils représentent et on les mène ainsi au convoi. Ces hommes mettent une robe prétexte, si le mort était consul ou préteur ; une robe de pourpre, s’il était censeur ; d’or, s’il avait obtenu ou mérité le triomphe. Ils s’avancent, portés sur des chars et précédés des faisceaux, des haches et de tous les insignes des dignités que ces personnages ont exercées durant leur vie. Aux rostres, ils prennent place en ordre sur des sièges d’ivoire. Quel aiguillon plus puissant, pour un jeune homme qui a la passion de la gloire et de la vertu ? Quel est celui que la vue de tous ces hommes, célèbres par leurs vertus, rangés l’un près de l’autre, et dont les visages semblent vivre et respirer, ne remplirait pas de l’amour de la gloire ? Quel plus noble spectacle imaginer ? L’orateur qui fait l’éloge du mort, prononce, lorsqu’il est terminé, celui des ancêtres dont les statues sont assistantes, il raconte leurs exploits et leur vie, en commençant par le plus ancien. De cette manière, la renommée des citoyens vertueux se renouvelle sans cesse ; la gloire des grandes actions devient immortelle ; le nom de ceux qui ont bien mérité de leur patrie est répété par toutes les bouches et transmis à la postérité. Mais, ce qui vaut mieux encore, la jeunesse est vivement sollicitée, ainsi, à tout braver pour l’intérêt commun, dans l’espoir d’atteindre cette gloire qui s’attache au nom des bons citoyens. »


La Grèce était abattue, Rome triomphait. L’Empire romain avait fait, de tant de nations illustres, des provinces soumises et inermes. La Grèce, cent ans après Jésus-Christ, n’avait plus d’autre gloire que le souvenir immortel laissé par elle dans la mémoire des hommes. Ce souvenir était tel, cependant, qu’il s’imposait aux générations nouvelles comme s’il était chose vivante et toujours présente. On aimait tout, de la Grèce, jusqu’à ses légendes et à ses erreurs ; on les apprenait comme des leçons dans les écoles ; on faisait, de ses héros, des « sujets de déclamations. » Rome entière, depuis les orateurs écoutés sur les rostres, jusqu’aux acteurs sur le théâtre, et jusqu’aux affranchis dans les gynécées, était imbue des idées grecques, de la philosophie grecque, des arts grecs, des techniques grecques. Ces faits glorieux ou piquans, ces enseignemens précieux, ces traditions héroïques ou familières, étaient sans cesse allégués, cités,