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tous à une allure presque uniforme, dans des wagons attelés à la suite les uns des autres, personne n’a plus à surpayer la vitesse. Il en était tout autrement jadis : lorsqu’un voyage de Rouen à Paris (1378) coûte 150 francs à un prélat avec escorte de cinq chevaux, et seulement 32 francs à un employé de l’archevêché, nous voyons bien qu’ici ce que paie le premier, c’est la sécurité, confortable fort apprécié en ce temps ; mais lorsque des messagers de Paris à Rouen, ou vice versa, reçoivent pour leur tournée, les uns de 30 à 50 francs, les autres 110 francs, 200 francs et davantage, il apparaît clairement que c’est la vitesse de leur train qui fait toute la différence.

On ne pourrait autrement s’expliquer qu’un voyage de Toulouse à Paris, aller et retour, fût taxé par le Parlement de Languedoc à 850 francs, lorsque la diligence prenait moitié moins.

D’Orléans à Paris, l’envoi des chevaucheurs ordinaires figure dans les comptes du XIVe au XVIIe siècle pour des sommes qui oscillaient de 45 à 55 francs : tandis qu’une « estafette en poste » vaut 280 francs. Notons en passant qu’un billet de 3e classe d’Orléans à Paris vaut aujourd’hui moins de 7 francs, au lieu qu’en 1658 une place dans le carrosse public coûtait 40 francs, plus 10 francs de pourboire au cocher et 2 fr. 50 au valet en montant.

L’écart représenté par la prime de vitesse augmenta depuis le moyen âge jusqu’aux temps assez proches de nous : de Paris à La Rochelle, le chevaucheur royal sous Charles le Sage dépensait trois fois plus, — 428 francs, — qu’un cavalier ordinaire de l’époque, qui allait à petites journées, et en 1750 un voyage en poste de Boulogne-sur-Mer à Paris coûtait quatre fois plus, — 265 francs, — qu’une place dans le carrosse public, laquelle valait d’ailleurs, à la fin de l’ancien régime, le triple d’un de nos billets de chemin de fer.

Si le voyage pressé était un luxe sans analogie actuelle, le voyage le plus ralenti était encore fort onéreux : par eau, de Nevers à Orléans, les mariniers prennent 50 et 65 francs sous Louis XIII ; les exigences des transporteurs n’étaient pas moindres à l’étranger qu’en France : Albert Durer et sa femme (1521), pour descendre le Rhin de Mayence à Cologne, versent 75 francs, — quatre fois ce qu’on leur demanderait aujourd’hui, — au patron du bateau sur lequel ils embarquent, avec leurs bagages, leurs vivres et leur charbon pour faire la cuisine à