Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 17.djvu/716

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venu à Paris. Des précautions avaient été prises pour qu’il ne fût l’objet d’aucune manifestation désobligeante ; le fait a prouvé qu’elles étaient inutiles ; la population parisienne n’a pas oublié un seul moment que le Roi représentait la Grèce et qu’il était notre hôte : à ce double titre, il devait être accueilli respectueusement. Si on a cru, peut-être espéré au dehors, qu’une manifestation déplacée refroidirait la chaleur amicale des sentimens que nous témoignaient la Grèce et son gouvernement, on s’est trompé.

Sans doute le Roi n’a pas été reçu comme il l’aurait été dans d’autres circonstances. S’il était venu à Paris sans passer par Berlin, ou si, passant par Berlin, il n’y avait pas prononcé les paroles qui nous ont froissés, l’accueil que lui aurait fait Paris aurait été enthousiaste ; on aurait glorifié son pays dans sa personne ; on aurait célébré ses victoires ; les sympathies se seraient manifestées autour de lui avec un empressement joyeux. Dans les circonstances où on se trouvait, l’accueil ne pouvait être que correct. On attendait avec impatience les toasts qui devaient être prononcés au déjeuner de l’Elysée. Celui de M. le Président de la République a été parfait ; celui du Roi, embarrassé, sans spontanéité, laborieux, mais très convenable. On a remarqué avec raison que M. Poincaré, en s’adressant au Roi, lui avait parlé exclusivement de la Grèce pour laquelle la France a une amitié inaltérable, et de son père, le roi Georges, qui s’est toujours montré pour nous un ami loyal et qui, il y a un an à peine, remerciait M. Poincaré lui-même, alors ministre des Affaires étrangères, des services que nous avions rendus à son pays. Le discours était réservé, mais pouvait-il ne pas l’être ? Celui du Roi a été ce que nous avons dit. Personne ne s’attendait à ce que le Roi, même sous la forme la plus atténuée, reprît les paroles qu’il avait prononcées à Berlin et en diminuât la portée. Sa dignité ne le lui permettait pas, son intérêt non plus, car si, pour être aimable envers l’Allemagne, il avait offensé la France, il ne pouvait pas maintenant, pour être aimable envers la France, offenser l’Allemagne. Aussi le discours ressemblait-il un peu à la danse des œufs où on craint toujours de casser quelque chose. Nous aurions pourtant aimé que, par un simple mot, le Roi eût associé la France à ses succès miUtaires. Il s’est contenté de rendre hommage au dévouement et au zèle de la mission française ; il a nommé le général Eydoux, qui était présent ; il s’est tourné vers lui obligeamment ; mais le mot attendu, espéré, n’a pas jailli du cœur et il y a eu de ce chef quelque déception. Cependant la plupart des journaux, reprenant une vieille formule, ont dit que l’incident était clos, et c’est