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à cette conclusion qu’il faut se tenir. Nous n’avons d’ailleurs, nous non plus, rien à effacer de ce que nous écrivions il y a quinze jours, à savoir qu’en toutes choses, en tout temps, dans tous les pays, nous devons rechercher l’intérêt français et y subordonner tous les autres. Nos sentimens manquent trop souvent de mesure. A nos engouemens excessifs, succèdent tout d’un coup, par un mouvement inverse, des explosions de mécontentement, d’irritation, de colère. Est-ce désillusion irrémédiable ? Est-ce dépit amoureux ? Nous nous étions trompés et nous accusons les autres de nous avoir trompés. Cela vient peut-être de ce que nous attendons d’eux, hommes et peuples, plus qu’ils ne peuvent et, en tout cas, ne veulent nous donner. Ils pensent à eux, pensons à nous.


De quinzaine en quinzaine, la situation des Balkans se modifie. La nouvelle d’hier est la signature du traité de paix entre la Bulgarie et la Porte ; celle d’aujourd’hui est l’état de guerre entre l’Albanie et la Serbie. La signature de la paix n’avait rien d’imprévu. Depuis plusieurs jours déjà, et même depuis plusieurs semaines, ce dénouement s’était présenté comme inévitable. La Bulgarie a essayé de remettre sa cause entre les mains de l’Europe, qui n’a pas voulu s’en charger. En vain lui a-t-elle rappelé ses anciens engagemens et ses promesses. L’Europe avait déclaré, en effet, très haut qu’Andrinople devait appartenir à la Bulgarie et, avec Ândrinople, la presque totalité de la Thrace, mais c’était à la condition tacite que les Bulgares, après s’être brillamment emparés de la ville et de la province, n’auraient pas la maladresse de se les laisser reprendre et qu’elle saurait les garder.

On sait ce qui est arrivé. Voit-on l’Europe entrant en campagne pour obliger les Turcs à abandonner la proie qu’ils avaient ressaisie ? Et nous n’entendons pas par là une campagne diplomatique ; c’est bel et bien une campagne militaire qu’il aurait fallu faire. Lorsque les Turcs disaient que l’état de l’opinion chez eux ne leur permettrait pas d’abandonner Andrinople et que tout gouvernement qui, pour complaire à des volontés étrangères, consentirait à un pareil renoncement sans y être contraint par la force, serait aussitôt renversé, ils disaient la vérité. La Jeune-Turquie est triomphante aujourd’hui. Sa politique a eu de singulières vicissitudes. Nazim pacha a été assassiné parce que, désespérant du salut de Salonique, il s’était résigné à la rendre. Le premier effet de cet assassinat avait été de faire tomber Andrinople entre les mains des Bulgares. Tout le monde alors a jeté