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d’être prises au détroit entre les attaques de Vallona et celles de Tarente.

Vallona constitue donc une position stratégique de premier ordre dans l’Adriatique. L’Italie ne saurait consentir à ce que ce port tombât sous la domination d’une grande Puissance sans sentir un péril perpétuel sur ses rives ; l’intérêt vital du royaume lui commande d’en interdire la possession à l’Autriche. Mais cette dernière a un intérêt à peine moindre à éloigner l’Italie de ce port pour assurer l’ouverture et la liberté du passage du canal d’Otrante à ses flottes.

Dès lors, et malgré toutes les belles paroles, l’Italie et l’Autriche s’entendront toujours fort bien aussi longtemps qu’il ne s’agira que d’éloigner un tiers de Vallona et de l’Albanie, de pratiquer la politique de l’abstention, de s’assurer contre une non-intervention réciproque. Mais elles ne sauraient s’entendre pour un partage de l’Albanie sans renoncer l’une ou l’autre à l’une des règles directrices de sa diplomatie. Aussi quand l’Autriche, au cours de la crise balkanique, forma le projet d’envoyer un corps d’occupation à Scutari, il a suffi de la proposition italienne pour l’arrêter : l’Italie donnait son adhésion, sous condition d’opérer de même à Vallona. En résumé, l’Italie ne saurait consentir à l’installation de l’Autriche à Vallona sans trahir ses intérêts essentiels ; l’Autriche ne saurait consentir à la prise de possession de ce port par l’Italie sans livrer à la merci de cette dernière sa politique et ses forces maritimes ; ce serait une lourde faute de la diplomatie du Ballplatz et une atteinte au prestige de la monarchie dualiste.

Dès la constitution du royaume, les dirigeans de la Consulta ont très clairement vu ces vérités et ont eu dès lors comme principale préoccupation d’empêcher la possibilité d’une mainmise par l’Autriche sur ces régions, mainmise que préparait un travail de pénétration concertée. La Triple Alliance fut conclue autant pour interdire une extension autrichienne en Albanie que pour se prémunir contre une attaque en Vénétie. Rome avait besoin de cette double assurance et, par suite, de cette alliance, aussi longtemps qu’elle ne se sentait pas plus armée et plus forte que sa voisine. Elle maintient l’alliance : l’heure n’est donc pas venue où le royaume se croira capable de refouler et de conquérir, après avoir résisté et arrêté.

La politique actuelle de l’Italie à l’égard de Vallona a été