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dans la décoration des Allées des Saisons, jusqu’à des distances dont la correspondance ne saurait être aperçue ; l’étendue peut-être un peu trop grande des lieux qu’elles occupent, qui les fait trouver déserts et inhabités, tandis qu’à l’aspect des grilles qui terminent les allées on sent toujours avec chagrin qu’on est enfermé ; le défaut de points de vue extérieurs ; enfin le déplaisir encore plus grand de trouver l’entrée des bosquets barrée par des enceintes particulières... ce qui, en ôtant la facilité de s’égarer dans des détours et de jouir de la variété de la décoration intérieure des bosquets, prive de la ressource que la promenade pourrait y trouver en abandonnant les grandes allées comme des routes ennuyeuses. » On aura soin qu’aucun de ces inconvéniens ne vienne déparer le domaine nouveau, que la promenade y soit partout aisée, que les percées dans les clôtures donnent toujours l’illusion qu’il est découpé en pleine campagne.

Toutes les âmes de ce temps invoquent la nature, célèbrent la liberté de ses paysages et ne veulent emprunter qu’à elle le décor de leur existence. On ne comprend plus l’idée créatrice de Versailles, qui a utilisé les ressources naturelles à des fins rigoureuses et à des magnificences disciplinées. Watelet la condamne expressément, quand il décrit, d’une plume malicieuse, les jardins des grands, dont il veut détourner ses contemporains et dont ses éloquentes déclamations contribuent à dégoûter la Reine : « On verra, dit-il, des ornemens factices préférés aux ornemens naturels. Les arbres seront soumis à des formes et à des usages qui les défigurent. On les rendra par des soins ridicules semblables à ces hommes disgraciés dont le corps et les différentes parties n’ont aucune proportion entre elles. Les branches et les feuillages mutilés et transformés en plafonds ou en murs n’oseront végéter que sous les lois du fer ; des distributions semblables à celles des appartemens reproduiront en plein air des salles, des cabinets, des boudoirs, où se trouvera le même ennui qui remplit ceux que couvrent les lambris dorés. L’eau stagnera dans des bassins ronds ou carrés ; elle sera emprisonnée dans des tuyaux pour attendre quelques instans de liberté de la volonté du fontainier. Le marbre, qui prétendra ennoblir par la richesse ce qui dans la nature est bien au-dessus de la somptuosité, s’y montrera souvent dans un état de dépérissement qui contraste avec ses prétentions à la