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perfide, échangées en des momens de colère ou d’amertume, qui ont ému plus que de raison de bons serviteurs du Roi, trop soucieux de faire apprécier leurs mérites. L’architecte émancipé avait beau se sentir soutenu par la Reine, il devait s’incliner, au moins pour la forme, devant l’important personnage de qui dépendait toute l’activité des arts en France. Il venait justement d’être placé au rang de ses collaborateurs les plus directs, en étant élevé à la fonction de premier architecte du Roi, vacante par la démission de Gabriel. La protection de Marie-Antoinette la lui avait fait obtenir, et sa commission, datée du 21 mars 1775, n’excluait des attributions antérieures de Gabriel que le directorat de l’Académie royale d’Architecture conservé au premier architecte démissionnaire, sa vie durant. Presque aussitôt, pour être plus sûr de tenir Mique sous sa dépendance, Angiviller édictait un règlement qui supprimait ces fonctions de premier architecte, devenues trop importantes aux dépens de sa propre charge, et réduisait le nouveau nommé à l’honorariat. Mais, pour ce qui regardait Trianon, la Reine persistait à ne vouloir de lui que de l’argent et non des conseils. Elle l’obligeait à écrire à Mique, le 4 avril 1777 : « Sa Majesté m’a fait l’honneur de me dire qu’il est dans ses intentions que tout ce qui concerne l’établissement de son jardin soit traité et suivi par vous. » L’administration abandonnait donc le contrôle des créations nouvelles ; et, pour faire sa cour avec d’autant plus d’empressement qu’il avait paru jusqu’alors un peu tiède, Angiviller multipliait les facilités, faisait fléchir les règlemens, trouvait de l’argent quand il n’y en avait pas, en un mot s’arrangeait de façon à ne plus mécontenter l’impatiente souveraine, même quand les fantaisies répétées et coûteuses venaient rompre brusquement l’équilibre de ses comptes.

Il n’y réussissait pas toujours ; Marie-Antoinette était exigeante, voulait être servie sur-le-champ et ne comprenait pas qu’on hésitât à commencer un travail, parce qu’on manquait de fonds pour payer les fournisseurs ou les entrepreneurs. Ceux-ci se plaignaient sans cesse des retards accumulés et des règlemens irréguliers, qui pour Trianon laisseront encore, en 1791, une dette approchant le demi-million. Le public en apprenait quelque chose, et ses premières récriminations sont mentionnées, dès le 17 septembre 1776, dans un des rapports de Mercy : « Le public a vu d’abord avec plaisir que le Roi donnait Trianon à la