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Seuls, des Italiens ont qualité pour apprécier sainement l’esprit national d’un des leurs ; mais n’est-il pas bizarre de voir contester avec une telle violence au poète italien d’aujourd’hui le plus jaloux de son patriotisme l’authenticité de ce sentiment ?


IV

Dès qu’il s’agit d’apprécier, non plus les sentimens intimes, mais les œuvres de M. d’Annunzio, ses critiques recommencent leurs « cavaliers seuls. » Le plus puissant effort lyrique du poète, les Laudi, est très diversement jugé par M. Gargiulo et par M. Donati. Par son mélange de réalisme et d’idéalisme, la Laus vitae déplaît au premier de ces critiques. Il en blâme l’inspiration disparate ; mais il veut bien pour la beauté extraordinaire d’une partie des Laudi, le livre d’Alcione, pardonner beaucoup au poète.

Reprenant à son compte un mot du très érudit critique du Marzocco, M. Gargano, qui salua naguère dans l’auteur des Laudi un « créateur de mythes nouveaux, » M. Gargiulo analyse avec finesse et sagacité ces poèmes où la beauté grecque, la force latine et la mélancolie moderne se mêlent si heureusement pour former un des ouvrages les plus absolument achevés de la littérature contemporaine. M. Gargiulo célèbre dans le poète d’Alcione un « paysagiste lyrique » sans égal : « L’Italie possède en lui, écrit-il, le plus grand paysagiste des temps modernes. Il laisse bien loin derrière lui les lyriques anglais. « Les remarques de M. Gargiulo sur ce livre d’Alcione dénotent un sincère enthousiasme : « Les cinq derniers vers d’Oleandro, écrit-il, nous ne savons en vérité s’ils sont formés de mots ou de quelque succulente matière aromatique. » La Morte del cervo est un chef-d’œuvre. C’est un » drame-paysage » et c’est « le meilleur drame de M. d’Annunzio. » Les pièces de vers intitulées la Pluie dans la forêt de pins, le Soir à Fiesole, Versilia arrachent aussi à M. Gargiulo des éloges chaleureux.

Quant à M. Donati, il ne désarme même pas devant les Laudi. Il met bien une sourdine à ses malédictions vitupératives, mais son antipathie pour M. d’Annunzio, homme privé, l’empêche de rendre justice au poète. Parce que M. d’Annunzio qui n’en est pas, il faut le reconnaître, à une vantardise près, a eu le mauvais goût de proclamer : « La Laus vitae est le seul