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appellent volontiers leur « maître vénéré, » c’est-à-dire M. Combes. Peut-être aurait-on pu se dispenser de l’interroger, car sa recette est bien connue, c’est l’union des gauches. M. Combes l’a pratiquée pendant tout le temps qu’il a été au pouvoir : l’union des gauches, le bloc, il ne connaît que cela, il ne veut pas connaître autre chose. Le remède est donc tout trouvé : il consiste à rétablir l’accord avec les socialistes unifiés. On verra alors se produire le même phénomène que dans certaines combinaisons chimiques où l’introduction d’un élément nouveau en élimine certains autres ; le parti radical et radical-socialiste perdra sans doute quelques-uns de ses membres, mais ce sera tout bénéfice ; ce qu’il perdra en nombre, il le retrouvera en vigueur ; il redeviendra lui-même et M. Combes sera tout prêt à le conduire à de nouveaux combats. Tel est l’oracle qui est venu de Pons : les radicaux et les radicaux-socialistes l’ont écouté avec le respect qui lui était dû. Mais, puisqu’il s’agissait, après un divorce retentissant, de conclure à nouveau mariage avec les socialistes unifiés, il restait à savoir ce que ces derniers en pensaient. M. Combes ne paraissait pas s’en mettre en peine le moins du monde, à la manière de ce personnage de comédie qui disait : « Mon mariage est à moitié fait, puisqu’il suffit pour le conclure de mon consentement et de celui de ma future et qu’il y a déjà le mien. » Le second consentement, c’était à M. Jaurès à le donner : il est difficile d’être moins empressé qu’il ne l’a été. Pour s’unir aux unifiés, il ne suffit pas, a-t-il dit, de le désirer, il faut encore accepter leur programme ou, du moins, ses points essentiels, et le premier de tous est la condamnation du service de trois ans et le retour au service de deux. La réponse était spirituelle si on songe à qui elle s’adressait. M. Combes, lorsqu’il a fallu, au Sénat, se prononcer sur la réforme militaire, est descendu dans sa conscience, et, n’y ayant rien trouvé, s’est abstenu. Admirable attitude pour un chef départi, mais vraiment trop facile. Les socialistes unifiés ont un programme détestable sans doute, mais enfin ils en ont un : quel est celui des radicaux ?

La voix de M. Combes n’est pas la seule qui se soit fait entendre avant le congrès : il y a eu aussi celle de M. Caillaux. C’est à la Dépêche de Toulouse que M. Caillaux a fait la confidence de ses vues, et on a pu reconnaître tout de suite qu’elles différaient assez sensiblement de celles de M. Combes. Il y a entre les deux hommes la distance d’une génération, ou même de plusieurs. M. Caillaux rêve d’introduire de profondes modifications dans le parti radical. Son nom même lui déplaît : parti radical, cela est bien étroit, ne vaut-il pas