Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nière, comme quelques autres qui avaient précédé, est venue de l’Autriche ; personne ne s’y attendait, ni ne pouvait s’y attendre. Nous disions, il y a quinze jours, que la visite faite par M. Pachitch à Vienne y avait produit et laissé une bonne impression : les journaux autrichiens eux-mêmes nous l’avaient donné à croire et nous nous en réjouissions. L’incident qui avait eu lieu sur la frontière albano-serbe ne semblait pas alors avoir porté ombrage au gouvernement austro-hongrois. Les Serbes, attaqués sur leur territoire, avaient refoulé l’ennemi sur le sien et y avaient occupé quelques points stratégiques propres à assurer leur défense en cas d’agression nouvelle : ils annonçaient d’ailleurs que cette occupation était temporaire et que, dès que les frontières des deux pays seraient fixées, ils s’enfermeraient dans les leurs. Ces frontières ne sont pas fixées encore : personne ne sait au juste où elles sont, où elles seront. La bonne foi des Serbes ne pouvait pas être mise en doute. Ce n’est pas eux qui avaient attaqué les Albanais : comptant que tout le monde, y compris ces derniers, respecterait les décisions des Puissances, ils avaient démobilisé et s’offraient sans défense aux attaques d’un ennemi déloyal. Ils ont dû rappeler quelques troupes à la hâte, pour le repousser. Leur attitude avait été appréciée par toute l’Europe ; elle semblait même l’avoir été par l’Autriche lorsque, subitement, celle-ci a adressé à la Serbie un ultimatum qui lui enjoignait d’évacuer dans la huitaine les points qu’elle avait occupés sur le territoire albanais : faute de quoi, elle agirait.

Rien ne pouvait faire pressentir de la part de l’Autriche une initiative aussi extraordinaire et, pour trancher le mot, aussi incorrecte. Si l’Autriche n’avait eu aucune conversation, aucune négociation, aucune entente avec les autres Puissances, ou si, celles-ci n’ayant pas tenu suffisamment compte de ses intérêts, elle avait repris vis-à-vis d’elles sa liberté d’action pour les défendre comme elle l’entendrait, cette intervention soudaine aurait pu rester inopportune et maladroite, mais on ne pourrait pas la traiter d’incorrecte. En a-t-il été ainsi ? Non certes : tout le monde sait au contraire que les Puissances, à la Conférence de Londres, ont tenu le plus grand compte des intérêts autrichiens et qu’elles n’ont jamais rien refusé au gouvernement austro-hongrois de ce dont il a cru avoir besoin pour les garantir. Les Puissances ont même suivi très loin l’Autriche dans cette voie et on le leur a reproché quelquefois : quant à nous, qui avions reconnu ce que la situation particulière de l’Autriche avait de préoccupant pour elle devant le réveil des Slaves des Balkans, nous avons cru qu’il fallait être très larges dans les concessions à lui faire. L’Autriche pou-