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de sa parure mondaine et qu’elle est revenue dans cet affreux costume du Sacré-Cœur, avec cet odieux bonnet à tuyaux fait pour défigurer les plus aimables visages ! Que de larmes j’ai versées alors et depuis, sans que personne puisse ou veuille les essuyer, car ma femme, comme toutes les femmes, est cent mille fois plus courageuse que moi et a pris son parti avec un héroïsme tout à fait chrétien. Les deux chères petites qui me restent ne comprenaient pas qu’on pleure une absente, ni surtout une sœur qui est devenue l’épouse du bon Dieu ! Je vous ai déjà dit, je crois, que ce séjour de la Roche-en-Breny m’était surtout bien triste depuis le départ de Catherine, car c’est ici qu’elle a passé presque toute sa vie, et cette maison grande, sombre et vieille, avait besoin d’être animée par elle, qui en a été pendant vingt ans la joie, la vie et la lumière. Elle continue à écrire des lettres qui respirent le bonheur surnaturel dont elle jouit, et surtout cette préoccupation des choses célestes qui la domine de plus en plus. Mais déjà, je crois m’apercevoir qu’elle s’intéresse moins dans sa correspondance à tout ce qui nous touche et à ses souvenirs d’autrefois. Il n’en peut pas être autrement. Il en est ainsi dans les mariages de ce bas monde ; à combien plus forte raison lorsqu’on s’est détaché du monde pour aller puiser à la source du suprême et incomparable,. amour ! Vous ai-je dit que l’exemple de Catherine avait été suivi par sa tante, Albertine de Mérode, la plus jeune sœur de ma femme, d’un autre lit, que nous avions comme héritée à la mort de sa mère, et que nous avons élevée, parce que son âge la plaçait entre mes deux filles aînées ? C’est une grande et riche héritière, qui n’a jamais voulu se marier, et qui est entrée au Sacré-Cœur le jour de la prise de voile de Catherine. Nous allons à Paris pour sa prise d’habit qui aura lieu dimanche 7 février. C’est encore une grande perte pour nous, car elle passait toujours une partie de l’année avec nous, et si elle s’était mariée, ses enfans auraient été comme des petits-enfans pour nous. Rien de plus effrayant, à mon sens, que cette solitude qui se fait autour des vieux ménages et dont on n’a pas la moindre idée quand on est jeune. Votre bon oncle Steffy doit en savoir quelque chose, malgré sa progéniture assez nombreuse. On n’a jamais trop d’enfans, ni même assez, quoi qu’en disent les gens profanes et aveuglés par les intérêts matériels !

Faut-il vous avouer que la douleur d’avoir perdu Catherine