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la Diète germanique l’édifice de ses libertés si longtemps refusées. L’Église sera la première victime de la prochaine révolution, et les catholiques descendront à l’état de parias dont les généreux efforts d’O’Connell, des auteurs de la constitution belge, et des catholiques libéraux de France les avaient tirés. Ils l’auront voulu et mérité, tel est mon pronostic : je souhaite ardemment qu’il soit démenti par les faits. Mais j’ai la conviction que la société moderne ne retournera jamais à l’ancien régime : cela ne s’est jamais vu et ne se verra jamais. Aucun souverain, aucun peuple n’acceptera jamais le système formulé dans la lettre du Saint-Père à l’empereur Maximilien : ils ne l’ont pas fait au moyen âge, ils le feront bien moins encore à l’avenir. L’Église a eu tous les privilèges possibles dans le passé, mais elle les a toujours et partout payés au prix de sa liberté. Si elle veut être libre, ce qui est, selon moi, le premier des biens qu’elle doit désirer, elle ne le sera que grâce à la liberté de tout le monde. Voilà, très chère Comtesse, une partie de mes impressions ou, pour mieux dire, de mes lamentations sur ce qui se passe à Rome et ailleurs. Réfutez-moi en m’envoyant le mandement du cardinal Bauscher, dont j’ai entendu dire beaucoup de bien. Ce cardinal m’a paru intelligent et distingué, quand je l’ai vu à Vienne. Dites-moi aussi quel homme vous avez là pour Nonce. Celui de Paris est au-dessous du médiocre, et a subi avec une patience par trop diplomatique le cruel affront de la double note du Moniteur. Je regrette pour vous Mgr de Luca, qui avait beaucoup d’esprit et de connaissance des hommes. Parlez-moi bien vite de votre séjour à Vienne où j’aimerais tant a me retrouver avec vous et même sans la princesse Grassaliowitch qui m’a tant soigné lors de mon dernier voyage. Ce pauvre vieux prince Paul Esterhazy doit commencer à radoter, puisqu’il suppose que M. Feuillet de Conches est de mes amis ! Que puis-je avoir de commun avec un maître de cérémonies de Napoléon III ? Il aura confondu avec Octave Feuillet, l’auteur du charmant roman de Sybille, qui est mon confrère à l’Académie, mais aussi trop impérialiste pour me plaire tout à fait.

A propos de roman, lisez le Conscrit de 1813 par Erckmann-Chatrian. C’est une des meilleures productions de la littérature actuelle. Mais ce que je veux vous recommander surtout, ce sont les trois volumes que vient de publier le délicieux abbé Pepreyve