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mener dans le monde, en prend très gaîment son parti ; elle est très agréable sous tous les rapports, et m’a été bien secourable pendant ma maladie. La petite Thérèse ne fera sa première communion que l’année prochaine ; elle a un naturel plus sérieux, plus énergique que ses aînées, et j’imagine souvent qu’elle finira comme Catherine. Celle-ci va toujours très bien : toutes les fois que je la vois, elle me semble l’incarnation de la paix et de la joie. Merci mille fois, chère Comtesse, des précieux détails que vous me donnez sur vos fils. Ce que vous me dites de l’aîné me donne bon espoir. J’en conclus qu’il pourra jouer dignement son rôle de citoyen d’un grand et noble pays, où il y aura fort à faire dans les orages qui se préparent. Ai-je besoin de vous dire avec quel intérêt passionné j’ai suivi tout ce qui s’est passé en Hongrie depuis deux ans, et surtout ce beau couronnement, qui m’a charmé à tous les points de vue ? Je suis donc tout à fait avec Deak et Beust en ce qui touche la Hongrie. Je suis d’ailleurs convaincu que l’Église sortira rajeunie et cent fois mieux portante qu’autrefois des épreuves qu’on lui prépare en Autriche et qui l’obligeront à vivre de la vie moderne. J’ai vu, de mes yeux vu, le misérable état où elle était tombée sous Metternich, et je ne sache rien au-dessous ! Dans vingt ans d’ici, et peut-être plus tôt, les catholiques de l’Autriche auront repris honorablement leur rang à côté de ceux de France, de Belgique, de Hollande, d’Amérique. Il est plus clair que le jour que les conditions de l’alliance entre l’Église et l’État doivent radicalement changer, et que partout où l’Église prend résolument son parti de ces changemens, elle s’en trouve très bien, c’est-à-dire aussi bien qu’elle peut l’être dans ce pauvre monde. Mais voilà ce que l’on ne veut pas comprendre à Rome, où l’on croit toujours à l’ancien régime, aux empereurs, aux rois, aux gouvernemens. Malgré tant de mécomptes, souvent mérités, l’on s’obstine à s’appuyer sur le roseau qui a toujours percé la main qui s’y repose.


Adieu, très chère Comtesse, gardez-moi le secours de vos prières et de votre fidèle amitié.


MONTALEMBERT.