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raison pour celles, en si petit nombre, qui, comme vous, chère Comtesse, m’ont témoigné une affection désintéressée. J’attends avec impatience d’autres nouvelles de vous et de votre cher oncle, surtout de vos projets pour ce printemps. Si je souhaite que la raison ne l’emporte pas dans ces projets, — car elle vous ramènerait à Appony et Dieu sait quand nous nous reverrons ! — je compte, d’après ce que vous m’avez dit, sur la prochaine arrivée du Comte Etienne. Je ne vois aucun de vos compatriotes ici, excepté le Comte Paul Esterhazy et sa femme : je ne comprends pas trop bien quelles sont les opinions politiques ou religieuses de cet Esterhazy, mais il est fort agréable. J’ai eu du Baron Eötvös une lettre bien triste : il regarde la situation des affaires en Hongrie comme déplorable et déclare que le rôle des hommes modérés comme lui est terminé. J’apprends avec douleur l’état désespéré du Prince Windisgrätz ; de tous les hommes que j’ai vus pendant le cours de mon voyage de l’année dernière, c’est celui qui a produit sur moi la plus vive impression. Je ne crois même pas avoir jamais rencontré quelqu’un qui eût à la fois autant de charme et de dignité. Je l’ai revu à Vienne après vous avoir quittée, et cette seconde rencontre a augmenté mon attrait pour lui, malgré la différence de nos opinions sur plusieurs points. Cette différence existe entre nous, chère Comtesse, mais j’espère qu’elle ne portera jamais atteinte à notre amitié. On peut voir sous des aspects différens tout ce qui nous entoure, et cependant sentir de même. Ce que je sens bien profondément, c’est que vous avez été très bonne pour moi et que vous m’êtes très chère. Je vous fatiguerai peut-être à force de vous le répéter, mais vous vous rappelez ce fameux passage de Lacordaire : « Il y a de ces mots... quand on les a dits une fois, il n’y a plus qu’une ressource, c’est de les répéter à jamais. » Adieu, et priez pour moi...


Rixensart près Bruxelles, ce 15 mai 1862.

Chère Comtesse, il me semble que c’est aujourd’hui votre fête, et bien que je ne trouve la Sainte-Sophie dans aucun de nos calendriers ordinaires, romain ou français, cependant je crois bien me souvenir que vous m’avez signalé le 15 mai comme le jour où on célèbre votre fête. Dans tous les cas, vous ne m’en voudrez pas de ce souvenir qui vous prouvera que je suis toujours fidèle à celui de vos bontés pour moi. Une année entière