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appelaient (et la dénomination datait de 1189) la « faction d’Orléans, » dominée jusqu’à l’obsession par le précédent britannique de 1688. Notons encore que Thureau-Dangin, qui avait pris pour base de son travail les modernes histoires de la Restauration, celle de Nettement en particulier, se laissait à leur suite entraîner à des appréciations discutables : il discernait mal ou il indiquait insuffisamment que Serre, passé de la « doctrine » à la « résistance, » avait choqué certains de ses amis de la veille par la brusquerie de sa conversion ; que Villèle, assagi par l’exercice du pouvoir, n’en était pas moins demeuré un homme d’extrême droite, trop souvent accessible aux exigences de ses déraisonnables amis ; que le ministère Martignac, célèbre et regretté après coup, avait, au moment de sa constitution, déçu et inquiété presque tous les partis[1].

Le Parti libéral sous la Restauration, paru en articles en 1875 et en volume en 1876, n’en demeure pas moins un maître livre, plus homogène que Royalistes et Républicains, et en même temps plus varié de ton, plus abondant en pages brillantes, en considérations ingénieuses ou profondes : il atteste la pleine maturité du talent de l’auteur, qui plus tard, quand il s’agira de rappeler les antécédens politiques des principaux personnages du régime de Juillet, se référera simplement au Parti libéral sous la Restauration. Les chapitres sur Casimir Perier, sur Montlosier, sur la campagne antireligieuse des libéraux, sont particulièrement remarquables ; mais ils le cèdent encore en intérêt, en émotion, aux pages consacrées à l’école du Globe, au récit de la crise qui détacha Jouffroy des croyances de son enfance : il y a là comme une première mise en œuvre des qualités de l’historien psychologue qui retracera plus tard l’évolution du sentiment religieux chez un Newman, un Pusey, un Manning. La conclusion, inspirée par la situation actuelle, est singulièrement éloquente, encore qu’imprégnée de désenchantement, à la

  1. Cette dernière erreur, quoique très répandue, est d’autant plus singulière sous la plume de Thureau-Dangin que, six ans auparavant, il avait incidemment porté sur le ministère Martignac un jugeaient beaucoup plus exact historiquement : « Après la chute du ministère Villèle, le Roi ne voulut point appeler ceux qui étaient alors les hommes de l’opinion, les chefs du parti vainqueur à la Chambre, M. de Chateaubriand, M. Casimir Perier, M. Royer-Collard : il s’arrêta à cette combinaison hybride et non viable que le charme personnel de M. de Martignac et les bonnes intentions de ses collègues ont fait peut-être juger avec trop de faveur ; il remit le pouvoir à des hommes inspirant défiance et rancune à la fois à la droite et à la gauche. » (Français, 16 juillet 1869.)