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pour nos polémiques quotidiennes, » mais maintenait son droit de lui demander un « enseignement de politique. » Le polémiste pourtant se retrouvait à plus d’un trait : la critique de Joseph de Maistre et de sa perpétuelle attente du miracle semblait bien par exemple, derrière l’auteur des Considérations sur la France, viser le rédacteur en chef de l’Univers. Mais, d’autre part, de nombreuses pages révélaient l’excellent et déjà presque grand historien. Pour tracer son célèbre tableau des « jacobins nantis net de leurs aspirations à la fin du Directoire, Albert Vandal n’aura, trente ans plus tard, qu’à développer cette esquisse : « Ce sont des gens pratiques et désabusés, qui ont une seule préoccupation : rester au pouvoir malgré l’opinion, et y rester non pour y appliquer telles doctrines, pas même pour y opérer tel bouleversement, mais uniquement pour jouir et pour être en sûreté. » Il faudrait citer encore un magnifique éloge du rôle normal de la droite dans le jeu des partis, de la droite représentant « des forces sociales qui ne sont pas la nation entière, mais dont aucune nation ne peut se passer. » Surtout, Thureau-Dangin s’annonçait dès lors un remarquable peintre de portraits historiques : qu’il s’agit de Tallien ou de Villèle, de Lamennais dans sa période royaliste ou de La Fayette aux journées d’Octobre, du prince de Polignac ou de Danton, les physionomies ressuscitaient sous sa plume, vivantes, nettes, authentiques et authentiquées par des mots ou des témoignages précis, et composées pourtant avec un art qui conquérait le lecteur.

Cependant l’évolution des événemens politiques et l’échec des tentatives de restauration restituaient au centre gauche un rôle prépondérant. Thureau-Dangin, qui ferraillait quotidiennement dans le Français contre les journaux de ce parti, entreprit de lui rappeler, comme naguère à l’extrême droite, les fautes de ses devanciers, pour l’inviter à mieux faire, sans doute aussi pour se donner la satisfaction de dénoncer la persistance des mêmes erreurs, parfois chez les mêmes individus. Ainsi l’amère critique de l’œuvre de Thiers, jeune historien de la Révolution française, se ressentait de la vivacité des polémiques du journaliste contre le président renversé au 24 mai 1873. De même, par un évident souci de ne point desservir la politique « fusionniste » de 1875, l’historien passait à peu près sous silence, parmi les élémens libéraux de la Restauration, ce que les contemporains