Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avec beaucoup de ses contemporains, avec la plupart de ses amis politiques, Thureau-Dangin considéra comme réalisable de nouveau, sinon comme prochaine, l’éventualité de la restauration dont l’échec l’avait déçu en 1873. Cette espérance se fait jour de loin en loin dans l’Histoire de la monarchie de Juillet ; elle inspire la préface de 1884, vive comme un manifeste, éloquemment amère contre la République de Gambetta et de Jules Ferry ; l’auteur débute par une affirmation politiquement habile, mais historiquement bien hasardée, à savoir qu’au fond, la Restauration et le régime de Juillet n’ont formé qu’une seule et même période de royauté constitutionnelle. Contre cette application rétrospective du système de la » fusion, » légitimistes et gouvernementaux auraient sous Louis-Philippe protesté avec une égale vivacité, et il faut convenir que le livre même de Thureau-Dangin en fournit la décisive réfutation. Polémiste dans sa préface, il redevenait historien dans le cours de l’ouvrage, historien sincère autant que clairvoyant, complet autant que bien informé. La conclusion qui se dégage pour le lecteur d’aujourd’hui (plus nettement encore que pour celui d’il y a vingt ou trente ans, je viens d’en faire l’expérience) est précisément qu’entre le gouvernement de Louis-Philippe et celui qui l’avait précédé, il n’y eut guère de commun que le nom, l’étiquette des rouages essentiels. La Restauration, à travers bien des gaucheries et des malentendus, essaya d’adapter les libertés politiques à la vieille royauté traditionnelle. Le régime de Juillet au contraire, tout en conservant le cadre monarchique, attribuait nettement la prééminence à la Chambre élective, et par elle à la bourgeoisie censitaire. Plus populaires sans doute dans les classes moyennes que les princes de la branche aînée, Louis-Philippe et ses fils n’étaient point l’objet de ce culte spontané et ingénu qui forme l’essence même du sentiment royaliste. Les fondateurs du « trône entouré d’institutions libérales, » dans leur engouement pour la révolution britannique de 1688, n’avaient point pris garde que la France du XIXe siècle différait étrangement de l’Angleterre du XVIIe siècle, et que chez nous en 1830 le terrain politique était trop meuble, trop bouleversé par de récens cataclysmes pour se prêter à la durable transplantation d’une nouvelle dynastie.

Le journaliste du Français avait naguère justement critiqué, dans l’œuvre historique de Duvergier de Hauranne, un « système