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un peu étroit et incomplet qui consiste à concentrer uniquement le récit sur les luttes du Parlement et de la presse, et à transformer l’histoire en une sorte d’analyse, parfois légèrement monotone, des journaux et des brochures du temps. » Thureau-Dangin historien se garda soigneusement de ce défaut, plus excusable pourtant dans le tableau d’une époque où la tribune avait brillé d’un tel éclat et exercé tant de puissance. Aux comptes rendus des Chambres, aux principaux journaux, minutieusement dépouillés, il joignit d’importans témoignages inédits. Le succès même de son livre, comme il arrive souvent en pareil cas, lui valut des communications nouvelles, si capitales qu’il n’hésita point, pour en tenir compte, à remanier ses deux premiers volumes : c’est ainsi qu’après les papiers de Victor de Broglie et le journal de Viel-Castel, il put consulter le portefeuille du comte Molé, la correspondance diplomatique de Sainte-Aulaire et de Bresson, les riches archives de Barante, dont rien alors n’avait été publié. Il eut également soin d’interroger de vive voix les survivans du régime de Juillet, encore assez nombreux, de faire causer les enfans de ceux qui avaient disparu. A l’aide de ces élémens d’information, il s’attacha à peindre le règne de Louis-Philippe sous tous ses aspects, action gouvernementale, lutte des partis, évolution littéraire, influence et expansion de la France au dehors, préoccupations sociales et religieuses.

Si l’histoire politique et parlementaire ne devait pas accaparer l’ensemble du tableau, il était de toute nécessité de la maintenir au premier plan, avec les débats des Chambres, les crises ministérielles, les rivalités de personnes et de groupes. L’auteur, qui n’avait jamais varié dans sa prédilection pour le régime parlementaire, était trop loyal pour en dissimuler les ombres : il mit son talent, non seulement à résumer les péripéties des tournois oratoires, à raconter certaines scènes légendaires, comme la séance où Guizot tint tête à l’opposition qui lui reprochait son voyage de Gand, à décrire les grands orateurs à la tribune, mais à analyser les intrigues de couloirs, les manœuvres autour des scrutins, le dosage des combinaisons ministérielles. Toute cette tactique ou cette alchimie parlementaire, sans cesser d’être passablement monotone et mesquine, revêt dans son livre une vie intense, car le travail des partis et le choc des passions y sont pris sur le vif. L’historien est le