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complet : mais qui pourrait lui faire sérieusement grief d’avoir négligé l’art dramatique d’un Eugène Scribe ? Il a voulu surtout mettre en relief la respective influence des événemens politiques sur la littérature, et de la littérature sur les mœurs sociales : de là l’importance attribuée non seulement aux œuvres de Michelet, aux Girondins de Lamartine, mais à l’avènement du roman-feuilleton ou à la création par Frédérick-Lemaître du type de Robert Macaire. On l’a blâmé d’avoir été trop sévère pour George Sand, d’avoir méconnu la puissance du génie de Balzac. Ce dernier grief est fondé en quelque mesure : choqué par la vulgarité ou la gauloiserie de certains détails, par la complexité et la sinueuse lenteur de l’intrigue, par la glorification de vices particulièrement antisociaux, comme l’ambition sans frein, le mépris du qu’en-dira-t-on, la soif de jouissance, l’historien n’a point rendu hommage à la vivante représentation des milieux bourgeois ou provinciaux, à l’évocation de quelques types caractéristiques de la génération napoléonienne, officiers, policiers, gentilshommes campagnards. Dans ses appréciations littéraires comme dans ses jugemens sur les hommes politiques, Thureau-Dangin, qui fréquentait assidûment le duc Albert de Broglie et subissait tout naturellement l’influence de cet esprit éminent, a trop facilement peut-être ratifié les verdicts d’un ancien familier de l’hôtel de Broglie, dont la correspondance venait alors d’être publiée ; X. Doudan, voltairien conservateur et classique, avait le goût délicat, mais étroit ; peu porté à l’indignation, il préférait railler ceux qui s’écartaient de l’orthodoxie esthétique ou doctrinaire. Ces oracles de salon sont le plus souvent d’un fort agréable commerce : mais il est rare que leurs arrêts prévalent en dehors du cercle fermé où ils sont formulés.

A l’époque où fut écrite l’Histoire de la monarchie de Juillet, les archives diplomatiques étaient encore inaccessibles pour cette période : toute une partie de l’œuvre, et non la moins importante, risquait donc d’être incomplète, médiocrement exacte, vouée à un prochain et rapide discrédit. L’écrivain sut parer à ce danger grâce à de nombreuses et précieuses communications particulières. L’exposé des négociations diplomatiques est précisément, surtout à partir de la seconde édition, une des portions de son livre les plus originales, les mieux approfondies, les plus définitives (si l’on ose risquer ce mot en histoire). La