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création du royaume de Belgique, l’occupation inopinée d’Ancône, le conflit turco-égyptien de 1840, qui faillit allumer en Europe une guerre générale, la controverse du droit de visite, la conclusion précipitée des mariages espagnols, sont l’objet de lumineux exposés, qui ont pour base la correspondance officielle ou les réminiscences des principaux intéressés. L’historien a fait sa part, qui est ici considérable, à l’action personnelle de Louis-Philippe, endoctrinant les ambassadeurs, mettant la main aux dépêches des ministres, poursuivant un peu trop ostensiblement non pas « la paix à tout prix, » comme on l’en accusait avec l’exagération ordinaire des polémiques de parti, mais les solutions susceptibles de sauvegarder sans éclat la dignité de la France. Le tableau de l’imbroglio de 1840, avec l’ambassade de Guizot à Londres, l’animosité antifrançaise de Palmerston, l’engouement de l’opinion chez nous pour Mehemet-Ali, la témérité belliqueuse de Thiers, la persistance et la lointaine répercussion de l’ébranlement des esprits en Allemagne, est peut-être le plus remarquable de ces résumés diplomatiques.

Thureau-Dangin se laissait parfois aller, dans l’abandon d’une conversation familière, à exprimer son regret d’avoir choisi une époque qui ne lui offrît pas l’occasion de raconter quelque bataille illustre, comme Rocroi. Ce n’était là sans doute qu’une boutade, car il se rendait compte mieux que personne que la stratégie étant devenue une science de plus en plus compliquée, l’historien moderne, à moins d’être un homme du métier comme le Duc d’Aumale ou un spécialiste comme Henry Houssaye, donne à ses lecteurs une impression d’insécurité dès qu’il prétend les entraîner à sa suite dans le détail et surtout la critique des opérations militaires. La conquête de l’Algérie, où la tactique était en somme rudimentaire, où la pacification, la colonisation, l’administration tenaient autant de place que les combats, était au contraire un sujet qui convenait à merveille au talent et aux connaissances de Thureau-Dangin : les tâtonnemens des premiers commandans, les hésitations du gouvernement, la valeureuse initiative des fils de Louis-Philippe, l’assaut héroïque de Constantine, la décisive entrée en scène de Bugeaud, les éclatans débuts du Duc d’Aumale, le grave problème de l’utilité des guerres d’Afrique comme école d’application de l’armée française, autant de points sur lesquels, sans