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JOUBERT JUGE DE PAIX

Nous retrouvons Joubert à Montignac en 1791. Il y demeure presque deux années. Et il est juge de paix.

On ne s’attendait pas trop qu’il fit ce chemin, ou plutôt ce détour. Lui-même ne s’y attendait pas ; et, à vrai dire, ces deux années, s’il les a consenties, il ne les a pas voulues. D’ailleurs, il les a bien menées, sans négligence, avec tout le soin qu’il apportait à ses devoirs, fussent-ils un peu hasardeux et fussent-ils un peu médiocres.

Il est juge de paix élu. Et nous verrons, avec lui, comment fonctionnèrent, dès le début, ces magistratures électives que l’Assemblée constituante avait inventées et qui eurent à remplacer soudain l’ancien système judiciaire. Une tradition s’était rompue : on lui substituait une nouveauté hardie, qu’on improvisait et qui, du jour au lendemain, devait gouverner les mœurs publiques.

Ces deux années de révolution, nous les verrons dans une petite ville, à cent trente lieues de Paris : spectacle très pittoresque ; et, en outre, spectacle digne de l’intérêt le plus vif. La révolution, qui a son origine et son foyer dans Paris, se répand vite par tout le royaume. Comment s’y répand-elle ? Et comment les petites villes la reçoivent-elles ? La révolution, qui est faite à Paris, — faite par des Parisiens ou par des gens qui, détachés de leur province et venus à Paris pour se muer en législateurs, visent aux principes et à l’universelle idéologie, — comment va-t-elle se présenter à de petites villes pour qui elle n’est pas faite ? Les provinces de l’ancienne France s’étaient lentement développées sous le gouvernement général de la monarchie :