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de la provoquer par des signes extérieurs[1]. » Mais, si fraternel qu’on soit et pacifique, on a ses petites coquetteries. Les juges de paix du département de l’Aube firent savoir au Comité de constitution qu’ils ne seraient point fâchés de se voir décerner un bel et flatteur uniforme[2]. Le Comité de constitution répondit, avec une touchante gravité : « Le juge de paix doit regarder comme une distinction précieuse de ne porter aucun costume distinctif, qui serait un véritable hochet d’enfant lorsqu’il ne doit avoir que la haute considération attachée à son utilité et à son importance pour le bien public... » Le Comité de constitution n’était pas un écrivain ; mais il avait des principes de simplicité déjà républicaine. Puis, réservant aux vanités humaines l’avenir, il ajoutait : « On verra cependant s’il est avantageux de lui donner quelque marque extérieure dans certains cas. »

Joubert prononça le serment que voici : « Je jure d’être fidèle à la Nation, à la Loy et au Roy et de maintenir de tout mon pouvoir la constitution du royaume décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le Roy, et de remplir avec zèle et impartialité les fonctions de mon office. » Il signa, et les membres de la municipalité après lui[3].

Le lendemain, 7 mars, il fut élu « notable » et adjoint au conseil municipal pour la répartition de l’impôt. Le lendemain, 8 mars, il prêta serment comme notable. Et il allait ainsi, de sermens en sermens, au gré des lois et des décrets qui multipliaient à merveille les formalités et les solennités. Le public était fort touché de ces cérémonies. La révolution préludait par de grandes inventions judiciaires ; et il fallait bien donner quelques dehors imposans à un appareil tout neuf, qu’on venait d’improviser et qui, pour émouvoir les imaginations, avait besoin d’artifice. Joubert est le seul officier de justice que Montignac eut alors à introniser. L’Assemblée nationale, qui avait établi à Montignac le siège du district, donna le tribunal à Terrasson, petite ville située à quinze kilomètres de là, sur la route de Brive. Montignac ne possédait que son juge de paix, M. Joubert. Mais, à Terrasson, l’installation des juges se fit avec beaucoup d’éclat.

  1. Article Ier du titre VII du règlement.
  2. Code de la justice de paix (édition déjà citée), deuxième cahier, janvier 1791.
  3. Registres de la municipalité (mairie de Montignac).