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de Cailloud), lorsque les cris d’un autre enfant leur annonçant votre désastre, ils accoururent sur la berge, au lieu d’où partoit cette voix. Et là, vous découvrant au loin, entouré des bouillonnemens de la Vézère débordée avec un fracas si terrible, ils ne délibérèrent pas, mais foulèrent aux pieds la crainte, mais continuèrent leur route, mais poursuivirent leur essor, mais abandonnèrent la terre, mais s’élancèrent dans leur barque et repoussèrent nos rivages avec tant d’intrépidité, aveugles et sourds aux dangers, sitôt qu’ils eurent vu le vôtre. Joseph Faure âgé de huit ans, vous qui seriez enseveli dans le sein de la vaste mer où vont se perdre nos rivières et dès longtemps ne vivriez plus si ceux-ci n’avoient pas vécu et n’avoient pas été hardis, paroissez dans cette assemblée avec vos deux libérateurs... »

Joubert, qui aime les légendes, raconte que déjà des récits merveilleux entourent le sauvetage du petit Joseph Faure. On dit que, quand il fut dans la barque, le flot s’apaisa comme par miracle et que l’enfant fut ramené comme en un berceau, Joubert invente ce joli trait : « Et vous ne craignîtes rien, parmi tant de sujets de crainte, que le blâme de vos tuteurs et le courroux de votre mère. » Puis, jouant avec l’allusion marine : « Croissez pour servir la patrie, au tillac ou à la manœuvre, dans les tempêtes politiques, et pour aider vos bienfaiteurs, en secret et publiquement, dans les orages de la vie. Ils sont battus de tous ses vents ; ils sont en proye à ses tourmentes. Ils en éprouvent les détresses : ils en habitent les rochers... « Joubert, assez drôlement, fait un sort égal à Barbefine et à Cailloud ; « car vous êtes inséparables, et qui voudroit vous séparer ? »

Le récit du sauvetage commence d’une façon délicieuse : « C’étoit l’heure où chaque famille est rappelée à son foyer par nos coutumes domestiques, et où le silence des rues, aussi désertes que muettes à cette hauteur du soleil, annonce au voyageur qui passe dans les murs de notre cité que les travaux et les loisirs, également interrompus, ont parmi nous pour intervalle, comme au temps où vivoient nos pères, le repas du milieu du jour. Leur départ n’eut qu’un seul témoin... « Et puis : « Eux-mêmes étoient donc attendus au sein de leurs pauvres familles. Leur toit exhaloit sa fumée, leur siège étoit mis à sa place... Ils oublièrent leurs maisons et ils s’oublièrent eux-mêmes. Ils écoutoient une autre voix. Ils entendoient un autre appel. Ils acceptoient une autre invitation... »