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de Catherine la dentellière ou de Jahel, la belle juive : maître Jérôme Coignard est, pour les faiblesses de la chair, d’une indulgence d’autant plus inépuisable qu’elle n’est pas, de son propre aveu, pleinement désintéressée, et il a une façon, peut-être un peu bien libérale, de prendre son parti des « innombrables conséquences » de « la chute d’Eve. « Mais là ne se borne pas son libéralisme. Sur toutes les questions métaphysiques ou morales, sociales ou religieuses que rencontre ou soulève sa verve dialectique il abonde en opinions « particulières : » opinions d’autant plus spécieuses qu’elles ont parfois un air de profondeur et qu’elles sont presque toujours exprimées avec une grande élégance littéraire, avec une sorte de douceur insinuante et d’onction sacerdotale qui en dissimulent le venin ; mais opinions qui toutes vont à légitimer et à libérer de toute contrainte extérieure, de toute discipline collective les écarts ou les fantaisies de l’instinct individuel. Nous le verrons mieux encore tout à l’heure, quand nous en viendrons à feuilleter le recueil qui s’intitule précisément les Opinions de M. Jérôme Coignard.

La Rôtisserie nous transportait dans le Paris du XVIIIe siècle. C’est de nos jours, à Paris, à Florence, un peu en province, que les héros du Lys rouge (1895) promènent leurs « amours simplifiées. » Ils sont les contemporains de Verlaine qui, sous le nom de Choulette, fait partie des bagages de Mme Martin-Bellème[1]. Ils ont « pioché » Baedeker, dont les impressions pittoresques leur sont parfois restées dans la mémoire[2]. Ils ont trop lu, — si l’on peut trop lire, — les romans de M. Bourget, car ils les copient un peu, et si Dechartre a plus d’un trait de René Vinci, la comtesse Martin ressemble « comme une sœur » à Suzanne Moraines, l’héroïne de Mensonges. Et que d’autres ressemblances on pourrait relever entre ce roman florentin et les œuvres romanesques de l’auteur du Disciple !

Mais quand imitations, inspirations ou ressemblances seraient plus considérables encore, il y a une chose qui appartient

  1. Verlaine n’est d’ailleurs pas le seul qui ait posé pour le personnage de Choulette.
  2. « Ils visitèrent les cellules où, sur la chaux nue, Fra Angelico, aidé de son frère Benedetto, peignit pour les religieux, ses compagnons, des peintures innocentes. » (Le Lys rouge, p. 230). — Cf. Italie : Manuel du Voyageur, par K. Baedeker, Italie septentrionale, 11e édition, 1886, p. 368, Ollendorff : «... ces fresques charmantes qui n’ont pas encore été surpassées jusqu’ici, pour la vérité dans l’expression des sentimens extatiques et la grâce innocente. »