une erreur de considérer l’œuvre de Cavalier ! comme le premier des oratorios. Son titre seul, « rappresentazione, » en détermine assez le caractère dramatique, théâtral, et la distingue ainsi de l’oratorio, lequel est purement narratif, et ne comporte aucune mise en scène, aucun élément visible. Cette « rappresentazioncélla, » comme les contemporains la nommèrent, dit-on, rentrerait plutôt dans le genre, très ancien, des « Sacre rappresentazioni. » Les historiens de la musique le font remonter jusqu’au XIVe siècle. C’est à Florence qu’il serait issu d’une double origine : les offices de l’Église, dramatisés, et les fêtes célébrées en l’honneur de saint Jean-Baptiste, patron de la cité. De Florence, le goût de cette forme d’art se répandit à travers l’Italie. En 1462, Viterbe fut le théâtre d’un « mystère » de ce genre. Que dis-je, tout un répertoire de mystères y fut représenté sur des théâtres nombreux. Chaque place, chaque rue importante, chacun aussi des cardinaux venus pour assister aux fêtes, avait le sien. Le pape Pie II lui-même était présent. Ici l’on jouait la Cène ; ailleurs, la Vie de saint Thomas d’Aquin ; ailleurs encore, l’Assomption de la Vierge. Dans son Histoire des Origines du Théâtre en Italie, M. Alessandro d’Ancona, et, d’après lui, M. Romain Rolland (Musiciens d’Autrefois) ont publié la relation du plus brillant de ces spectacles. Il se donna, paraît-il, sur la scène élevée aux frais et au nom du cardinal de Teano.
Dans les « sacre rappresentazioni, » la musique tenait une très grande place. Le texte, à l’origine du moins, y était entièrement chanté. Le dialogue parlé ne s’introduisit que plus tard dans le drame lyrique, pour y être de nouveau restreint, puis supprimé. Les « machines » (ingegni teatrali) n’avaient pas une moindre importance. Un Brunelleschi, un Léonard ne dédaignaient pas de consacrer leurs talens à la figuration matérielle des lieux où se passait l’action, que ce fût la terre, le ciel ou l’enfer. Vasari par le avec enthousiasme d’un certain Paradis, machiné par Brunelleschi, pour une Rappresentazione dell’ Annunziata, laquelle fut donnée à l’église San Felice in Piazza de Florence. Autant que l’esprit d’un sujet, on aimait alors que l’apparence et le décor extérieur en fût sensible. Tout, dans la « représentation, » devait être élément d’expression et de beauté.
Musicien dramatique en même temps que religieux, et ne séparant pas les deux modes de l’art, rien de ce qui concerne le théâtre ne fut étranger au génie, à l’idéal d’Emilio dei Cavalieri. La préface de la première édition d’Anima e Corpo forme un véritable manifeste, une sorte de symbole dramatico-musical, dont les réformateurs des âges suivans, un Marcello, un Gluck, un Wagner, n’ont guère fait que