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de l’être humain, se développe l’action et le débat qui forme le sujet du drame. Comme figures secondaires, poète et musicien ont mis en scène l’Intelligence et le Conseil, l’Ange gardien, le Monde et la Vie mondaine, le Temps, le Plaisir (avec deux compagnons), enfin la foule des âmes élues, et celle aussi des âmes damnées, car l’Enfer, comme le Paradis, a sa place et son rôle en ce double mystère.

M. Tebaldini l’a grandement simplifié. Ce n’est qu’une sélection, un abrégé, qu’il nous offre. Soit dans le personnel, soit dans le texte poétique et musical, il a pratiqué de notables retranchemens, que d’ailleurs il a justifiés. Autant que l’extrême longueur, il nous dit avoir craint l’uniformité tonale, rythmique, esthétique même. Le récitatif du Temps excepté, le ton de sol est le ton unique de l’œuvre. En outre, certains effets d’harmonie ou d’instrumentation, répétés à l’excès, risquaient de lasser notre patience, et maint passage du texte, un peu naïf, aurait peut-être éveillé notre sourire. Pour garder au poème son caractère avant tout moral, édifiant, il a suffi d’en respecter l’idée essentielle : la lutte entre l’esprit et les sens, entre la continence et le plaisir, entre l’âme et le corps. Quant à l’instrumentation, l’éditeur l’a réalisée sur la basse chiffrée, d’après les très sommaires indications originales. D’aucuns pourront s’étonner d’y voir figurer, même avec discrétion, des hautbois et des cors, instrumens inusités à cette époque. Mais s’il est presque impossible de connaître exactement la composition de l’orchestre de Cavalieri, il est du moins certain que des partitions contemporaines, voire antérieures, font mention de cornetti et de tromboni. A ces anciens trombones et cornets à l’aigu, M. Tebaldini a cru pouvoir substituer des cors et des hautbois. De même, il a remplacé luths et théorbes par une harpe. Tel est, en y ajoutant les violons, un clavecin, un orgue, un violoncelle et une contrebasse, l’orchestre qui sert à l’accompagnement d’Anima e Corpo. En dépit de cette sobriété, et, si l’on veut, de cette sécheresse, le savant éditeur a raison lorsqu’il écrit : « La matière, encore rude et rebelle, ne se plie pas à toutes les volontés du musicien ; mais celui-ci lui donne en plus d’une page une expression tour à tour exquise et puissante. »

Vous plaît-il que nous assistions, en esprit du moins, à cette « rappresentazione ? » Ainsi réduite, elle est brève. Action, paroles et musique, suivons-en tous les élémens à la fois. C’est le meilleur moyen de nous en former, au lieu d’une idée, abstraite et vague, une précise et vivante image.

Une courte sinfonia sert de prélude. Certains signes caractéristiques