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de Londres, telle qu’elle s’est manifestée à la Conférence des ambassadeurs, a été faite de ménagemens des uns à l’égard des autres, d’esprit bienveillant et conciliant, en un mot de transactions consenties par tous. Cette politique a porté ses fruits, puisqu’elle a maintenu la paix. La responsabilité d’y avoir porté atteinte retombera sur les Puissances qui auront les premières revendiqué l’indépendance de leur action et qui l’auront mise en pratique à leurs risques et périls ? Peut-être sommes-nous trop pessimiste, et nous le sommes certainement, si l’optimisme que nous voyons professer autour de nous est bien fondé. Le premier ministre de Russie, l’éminent M. Kokovtzof, est en ce moment notre hôte à Paris et, avec une bonne grâce parfaite, il s’est prêté à un certain nombre d’interviews. Les rédacteurs de nos principaux journaux ont recueilli de sa bouche les meilleures assurances pour l’avenir. M. Kokovtzof est convaincu que tout s’arrangera dans les Balkans, que la question d’Albanie est secondaire, qu’on en a résolu bien d’autres plus difficiles : en un mot, le regard qu’il jette sur les Balkans, s’il n’est pas absolument satisfait, est du moins plein de confiance. La parole calme et reposante du ministre russe a été écoutée avec grand plaisir. La Russie, en somme, a beaucoup plus d’intérêts que nous dans les Balkans : si elle estime que ces intérêts sont suffisamment garantis, ce n’est pas à nous qu’il convient d’en douter. En Angleterre, à quelques jours d’intervalle l’un de l’autre, sir Edward Grey et M. Asquith ont prononcé des discours empreints, eux aussi, d’un optimisme un peu vague, un peu imprécis en ce qui concerne les affaires balkaniques, mais enfin des discours rassurés : nous aimerions mieux pouvoir dire rassurans. Nous croyons d’ailleurs nous-même, non pas précisément que tout s’arrange, mais que tout peut s’arranger, mais à une condition, c’est qu’on continue de causer et de s’entendre et qu’on évite avec soin les initiatives séparées, les actes d’impatience, les démonstrations isolées. N’exagérons rien pourtant : les actes accomplis ces derniers jours par l’Autriche et par l’Italie n’ont pas, en eux-mêmes, une gravité assez grande pour rompre définitivement le concert des Puissances. Leur gravité vient de la tendance qu’ils indiquent, mais on peut s’arrêter dans cette tendance. Le fera-t-on ? On le saura bientôt si, comme le bruit en court, la proposition doit être prochainement faite de réunir à nouveau la Conférence des ambassadeurs : on verra alors ce que répondront l’Autriche et l’Italie.


La place nous manque pour parler comme nous l’aurions voulu des