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par suite de cet abandon, « la figure physique et morale de la terre française » se trouvera transformée.

« Les désaffectations ne peuvent, en effet, dans l’hypothèse que vous avez envisagée, être prononcées par décret qu’après la cessation, constatée pendant plus de six mois consécutifs, de tout exercice du culte dans les édifices religieux. Il résulte de cette prescription légale que ce sont les prêtres eux-mêmes et les fidèles qui décident, en fait, par leur abstention prolongée, la désaffectation de leurs églises, avant même que celle-ci soit prononcée en Conseil d’État.

« En ce qui concerne plus spécialement les désaffectations devenues inévitables par suite d’insuffisance d’entretien, je me refuse à prévoir que les catholiques, moins dévoués à leur foi que les adeptes d’autres confessions religieuses (lesquels assument la charge de la réparation de leurs temples), négligeront de subvenir, ou tout au moins de concourir partiellement, aux frais nécessaires pour la conservation de leurs églises, qui ont pour eux une inestimable valeur de sentiment.

« A Grisy-Suisnes, au moment où le Conseil d’État a examiné le projet de décret de désaffectation, tout acte du culte avait cessé d’être célébré dans l’ancienne église depuis près de deux ans. Cet édifice menaçait ruine et les intéressés avaient été mis en demeure de pourvoir, s’ils croyaient devoir le faire, aux réparations nécessaires. Les fidèles intéressés, qui disposaient déjà d’une autre église, édifiée dans une propriété particulière, ayant volontairement négligé de répondre à cette invitation, le gouvernement, à la demande de la municipalité, s’est vu contraint de soumettre au Conseil d’État un projet de décret pris dans l’intérêt de la sécurité publique.

« L’église désaffectée était, en conséquence, un immeuble rendu à la libre disposition de l’autorité municipale qui a cru devoir le mettre en vente. Si l’édifice avait été signalé comme offrant un intérêt artistique, le gouvernement n’aurait pas manqué d’examiner les mesures à prendre pour en assurer la conservation. Vous n’ignorez pas, du reste, que, grâce à une prescription spéciale de la loi de séparation, les églises présentant une réelle valeur historique ou artistique doivent être classées. !

« J’ai tenu à vous rappeler ces faits et à vous exposer ces considérations, pour vous permettre de constater que les