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depuis quelque temps déjà, tournées vers l’Allemagne, lorsqu’elle entra en relations par lettres avec un homme qui exerça sur elle une influence décisive et qui l’initia en particulier à la philosophie allemande, avec Charles de Villers. Comme il sera plusieurs fois question de Villers dans les lettres adressées par Mme de Staël à son père, et comme nous la verrons s’attarder assez longtemps à Metz en sa compagnie, il ne paraîtra peut-être pas sans intérêt d’entrer dans quelques détails biographiques sur ce personnage qui eut son heure de demi-célébrité, mais qui avait été singulièrement oublié, jusqu’au jour où des travaux récens ont attiré de nouveau l’attention sur lui[1].


II

Charles de Villers ou plutôt Villers, car il paraît bien que son père n’avait point droit à la particule dont il faisait précéder son nom, était né en 1765 à Bouley, petite ville de Lorraine située entre Metz et Sarrebrück. Après avoir été élevé chez les Bénédictins de Metz, il entrait à quinze ans, non sans quelque difficulté et par la protection d’un oncle maternel, — sa mère était de petite noblesse, — dans le corps royal d’artillerie dont l’accès ne s’ouvrait qu’aux jeunes gentilshommes. Il y fit un chemin assez rapide et était déjà second lieutenant à 18 ans. Fort agréable cavalier, habile à bien tourner les chansons, les petits vers et les madrigaux, Villers eut beaucoup de succès mondains, dans les différentes villes où il tint garnison. Il excellait dans la comédie de salon. À Besançon, il joua, paraît-il, les rôles de jeune premier avec une conviction particulière auprès d’une certaine Mme Anthoine que nous verrons reparaître. En 1783, il fut envoyé à Strasbourg. Cagliostro y séjournait alors avec sa femme, une fort belle Italienne. Villers profita de l’occasion pour s’initier aux doctrines du magnétisme tout en faisant la cour à la femme de Cagliostro. Un ressouvenir de cette situation lui inspira même un roman intitulé ; le Magnétiseur amoureux, qui faillit lui occasionner quelque désagrément dans sa carrière, l’ouvrage ayant été mis au pilon.

  1. Consulter en particulier sur Villers une Vie très bien faite, publiée à Paris et à Genève en 1909, par M. Louis Wittmer, une étude très intéressante du regretté Joseph Texte dans la Revue d’Histoire littéraire de janvier 1898, enfin un article de M. Paul Gautier paru ici même dans la livraison du 1er mars 1906.