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L’art du peintre se manifeste encore par le relief qu’il a su prêter aux principaux personnages qu’il fait mouvoir sous nos yeux. Ce sont d’abord les prêtres, tous si bien campés dans cette attitude de réserve intérieure et de politesse onctueuse qui est chez eux la marque indélébile du caractère professionnel : Mgr Charlot, le cardinal-archevêque, si fin sous ses apparences un peu vulgaires, si habile à ne pas se compromettre, à éviter les « affaires, » à finir en paix avec le pouvoir civil comme avec l’autorité ecclésiastique une vie d’administrateur prudent et ferme ; M. l’abbé Lantaigne, supérieur du grand séminaire, orateur abondant, théologien robuste, orgueilleux, maladroit, prompt aux dénonciations et aux jugemens peu charitables, mieux fait pour manier des syllogismes et pour disserter sans fin, a le regard en dedans, » sur les droits inaliénables de l’Église que pour vivre parmi les contingences mondaines ; M. l’abbé Guitrel, le professeur d’éloquence sacrée, prêtre aux dehors « libéraux, » ambitieux, aimable et insinuant, complaisant pour les riches et les gens en place, mais invinciblement secret, digne malgré tout, et qui, une fois évêque, saura racheter par son « intransigeance » ses compromissions d’autrefois. Puis, parmi tous les autres comparses de la comédie contemporaine, le ministre égrillard Loyer, Joseph Lacrisse, le secrétaire de la jeunesse royaliste, la vulgaire Mme Bergeret, la sentimentale juive convertie Élisabeth de Bonmont, la facile Mme de Gromance ; quelques figures curieusement dessinées et qui se détachent en pleine lumière : le vieux général Cartier de Chalmot, qui « commande sa division sur fiches » et qui a été converti au nouveau régime par « la gravité douce et la chaste raideur » du président Carnot ; le préfet Worms-Clavelin, Israélite de naissance, créature des loges, irrémédiablement vulgaire et médiocre, mais bon garçon, bon vivant, et qui se soutient par ses grosses habiletés, la modération de son zèle et son éternelle belle humeur ; et enfin, l’ineffable M. Bergeret. M. Bergeret mérite, lui, une attention toute particulière, car il est devenu, avec le temps, — et l’Affaire aidant, — une des incarnations de M. Anatole France. Je ne crois pas que celui-ci l’ait délibérément voulu tout d’abord : car, sans cela, lui eût-il prêté les ridicules dont il a commencé par l’affubler ? On ne saurait en effet, s’y tromper : M. Lucien Bergeret, maître de conférences de littérature latine, mari trompé et sans bravoure, auteur sur