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démontrer la justesse des théories tactiques et judiciaires d’Imbert. Dissidens et Zaïan avaient de nouveau fait leur jonction, mais leurs groupemens se tenaient immobiles loin du Grou. A la vérité, leur perplexité était grande. Ils étaient déconcertés par l’attitude inattendue des Zaër, et ils avaient déjà chèrement payé leurs infructueuses tentatives d’invasion. Rendu circonspect par ces échecs mortifians, le Zaïani temporisait pour profiter du désarroi que les triomphes toujours imminens de Moha-ou-Saïd dans la région de l’Oued Zem causeraient chez les Roumis. Il calmait les impatiences des dissidens et il comptait sur la pression morale exercée par sa mehallah toujours menaçante pour désagréger le bloc des Zaër ralliés.

A vouloir la prévenir, la garnison s’énervait. Sans cesse par monts et par vaux, à la recherche d’un ennemi invisible, officiers et soldats usaient leurs forces et leur entrain. Vainement Imbert essayait-il, par des actes en apparence téméraires, d’attirer dissidens et Beraber dans des pièges subtils. Reconnaissances lointaines, vidages de silos, ne parvenaient pas à faire venir l’adversaire sous le feu des mitrailleuses et des canons. Il se méfiait, et ses patrouilles détalaient avec vitesse dès qu’elles apercevaient casques blancs, chéchias rouges ou manteaux bleus. Mais déjà les chevaux du goum étaient sur les boulets ; sans le peloton des goumiers, l’infanterie et la section de montagne risquaient de marcher en aveugles et d’arriver trop tard si l’ennemi fonçait sur un objectif imprévu.

Merton jugea le moment favorable pour risquer une proposition qu’il avait longuement méditée : « Pourquoi ne ferions-nous pas concourir les cavaliers de nos tribus à la défense du pays zaër ? Ils y sont plus intéressés encore que nous ! » Imbert se récria. Il jugeait les partisans plus gênans qu’utiles, et leur zèle plus bruyant qu’efficace ne lui paraissait pas au-dessus de tout soupçon. Mais les argumens de Merton dissipèrent ses méfiances, et après une brève discussion, il approuva : « Soit ! proclamons la levée en masse ! L’épreuve sera concluante et nous avons grand besoin de cavaliers ! » Merton, ravi, se hâta d’expédier dans les tribus des courriers diligens.

De bonne heure, le lendemain, les sept caïds, leurs états-majors de khalifas et de mokhrazenis, les cheikhs les plus importans étaient réunis à Sidi-Kaddour. La proposition de Merton fut acceptée avec un enthousiasme exubérant auquel