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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/667

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et de feu. Les tentes voltigeaient, emportées par le souffle des obus ; les bœufs et les moutons tourbillonnaient sous la grêle de balles ; les habitans fuyaient en hurlant, et quelques guerriers prestement réfugiés dans les roches ripostaient par des coups de fusil inoffensifs.

« Allons ! faites cesser le tir, dit Imbert après trois ou quatre salves, aux officiers qui l’entouraient. Nous avons infligé une leçon pénible, mais nécessaire. Ne nous transformons pas en bouchers ! » Ils se dispersèrent, et le vacarme cessa comme par enchantement. Mais, dans les vallons lointains, les grondemens assourdis des échos propageaient déjà la nouvelle de la surprise et de ses résultats.

Soudain, proche d’Imbert, la voix de Pointis retentit. « Ils arrivent ! ils arrivent ! » criait son ami dont la main montrait sur l’autre versant des points blancs qui grossissaient en descendant à toute vitesse vers le Grou. C’étaient les guerriers de Moha-ou-Ammou qui accouraient au secours de leurs frères. On pouvait certes leur offrir le combat autour des douars bouleversés, tandis que bœufs et moutons fileraient sur les pistes de Sidi-Kaddour, escortés par les partisans. Mais l’enjeu ne valait pas des sacrifices qui transformeraient en désastre moral le succès de l’opération. Imbert préféra donc s’en tenir à son premier plan, et les notes alertes des clairons ordonnèrent aussitôt le retour.

Il était temps. La manœuvre, telle qu’Imbert l’avait imaginée, s’amorçait sous la fusillade des groupes ennemis qui progressaient de crête en crête avec une agilité de montagnards. Le silence de l’artillerie qui cheminait hors des vues avec les goumiers et les marsouins, pour occuper une position lointaine d’où elle compléterait les effets de l’embuscade, encourageait les poursuivans ; les balles sifflaient et labouraient le sol de toutes parts. Mais bientôt l’offensive ennemie s’arrêta. Les troupes d’Imbert disparaissaient comme par enchantement derrière un éperon qui dessinait un écran gigantesque et mystérieux. Visible de loin, il avait modéré l’entrain des renforts qui accouraient au bruit ; ils flairaient le piège dans la retraite précipitée de leurs adversaires et dans le silence énigmatique de cette barrière toute proche qui se dressait devant eux. Quelques groupes moins prudens s’étaient avancés jusque sur ses flancs ; accueillis, presque à bout portant par les mitrailleuses et les