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dernière querelle avec ses alliés, il leva furtivement son camp et disparut vers le Sud avec les restes de sa mehalla.

Imbert et Merton apprirent l’heureuse nouvelle tandis qu’ils méditaient une attaque décisive contre les ennemis désemparés. Accompagnés de Pointis, de quelques officiers et d’une petite escorte, ils coururent jusque sur les bords du Grou pour la vérifier. La vallée était bien déserte. Des vestiges de bivouacs attestaient l’importance de la coalition, qui s’était dissoute sans avoir sérieusement combattu. Toute son ardeur s’était dissipée en menaces vaines.

« Ah ! si nous pouvions profiter de son désarroi, dit Imbert. Peut-être les caïds et les notables zaïan n’attendent-ils que notre apparition en forces dans leur pays pour nous proposer, aux dépens de leur grand chef, une réconciliation générale, sans coup férir ! — Hé oui ! acquiesça Merton. Mais l’autorité supérieure n’aime guère les « cavalier seul. » Faisons comme les voisins : attendons les événemens. Ils aggraveront encore, peut-être, la déconfiture du Zaïani, et nous sommes bien placés pour en profiter ! »

Merton ne se croyait pas si bon prophète. Moins d’une semaine après, le poste frissonnait de la fièvre des grands jours. On y avait appris la défaite qui portait le coup de grâce à la puissance d’antan du Zaïani. Après son départ, il avait offert son aide à Moha-ou-Saïd, car les fantasias dans la vallée de l’Oued Zem lui paraissaient moins dangereuses que sur le plateau de Sidi-Kaddour. Mais la malchance le poursuivait. Le colonel Mangin dirigeait maintenant les opérations en pays tadla. Surpris un beau matin dans son camp par le terrible colonel, il perdait ses bagages, manquait d’être pris, et devait fuir jusqu’à Kenifra sa capitale, pour y conjurer la révolte qui grondait dans ses Etats.

Le moment semblait donc venu de prendre une vigoureuse offensive. Imbert était soudain autorisé à rejoindre le vainqueur avec toutes les forces disponibles de sa garnison, que venaient augmenter quelques détachemens envoyés en toute hâte par les postes voisins. Avec enthousiasme, la petite colonne forte d’environ 700 combattans avait quitté Sidi-Kaddour qu’elle souhaitait ne plus revoir. Elle avait parcouru 40 kilomètres dans une journée, en bousculant quelques centaines de dissidens qui voulaient lui barrer le passage d’une chaîne de collines qu’elle