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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/670

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devait traverser. Le soir même, la jonction était faite, la haute vallée de l’Oued Grou vide d’ennemis. La route de Kenifra était ouverte par les connivences intéressées qui s’annonçaient maintenant nombreuses chez les Zaïan. Mais un contretemps inattendu attirait vers une autre direction la petite armée du colonel Mangin. Le lendemain, déçu dans ses espérances, Imbert faisait reprendre à sa troupe le chemin de Sidi-Kaddour : « Après tout, disait philosophiquement Merton aux officiers qui maugréaient, ce n’est que partie remise, et nous avons dispersé tout seuls les groupes ennemis qui occupaient le pays Tadla au Sud de notre secteur. Ils auraient pu nous inquiéter à leur tour, et ce n’est pas payer trop cher par un tué et dix-huit blessés, la paix définitive que nous garantissons ainsi à nos Zaër. »

Pointis avait pris part à cette randonnée, avec l’espoir de nouvelles aventures. Elles lui paraissaient maintenant reléguées dans un problématique avenir. Tandis qu’il cheminait au pas sous la chaleur lourde, la nostalgie l’envahit : « Ils sont bien gentils, murmurait-il en songeant à ses amis ; mais, vraiment, je n’ai plus de raison pour m’attarder à Sidi-Kaddour. Il est temps de tirer d’inquiétude ma famille qui ne comprend rien à mes pérégrinations. » Et dès l’arrivée au poste, il parla de son départ imminent.

« Attendez quelques jours encore, lui répondit Imbert. Un souvenir manque à la collection que vous emporterez du Maroc. — Lequel ? — Une belle razzia. L’occasion se présentera bientôt, plus favorable qu’à Sebba-Aouinet. Vous devez voir ça, si vous voulez être un Africain complet. » Pointis, alléché, promit de se montrer patient. Grâce à l’habileté de Merton, il n’eut pas à s’en repentir.

L’échec de la coalition n’avait pas abattu l’orgueil des Bou-Acheria. Ils savaient qu’ils devaient renoncer à relever de ses ruines leur kasbah de Merchouch ; leur influence ne s’exerçait plus que sur une centaine de serviteurs et de parens, et sur un lot de malfaiteurs qui s’attachaient à leur fortune. Leur rôle politique était fini ; les anciens chefs de l’insurrection zaër n’étaient plus redoutables, mais ils pouvaient rester gênans. Quelques captures de rôdeurs soudoyés par ces tenaces adversaires les montraient décidés à châtier par des attentats et des pillages la soumission des tribus. Aussi longtemps qu’ils seraient libres en pays zaïan, les petits douars isolés devraient se