Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/703

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vive et surtout la plus pure de l’idéal mystique, voilà toute la thèse développée dans l’ouvrage que nous avons sous les yeux. Aussi bien le plan de ce livre est simple, il est logique, et pour la critique ou l’analyse, le mieux est encore de le suivre et de s’y ajuster.


Entre tous les arts, la musique étant le plus immatériel et le plus subjectif (autrement dit, et plus simplement, le plus personnel), elle est aussi le plus capable de traduire l’état d’esprit et d’âme qu’on appelle mysticisme. Les élémens de cette disposition intérieure, en tant que se rapportant à la musique, ont été décrits éloquemment par un poète mystique espagnol du XVIe siècle, que ravissaient les harmonies d’un musicien de son temps et de son pays. Satinas est le nom du musicien et le poète s’appelait Fray Luis de Léon. Dans une ode de Fray Luis, qu’il cite avec abondance, et qui d’ailleurs est digne d’être citée ainsi, M. Collet découvre comme en un raccourci lyrique, philosophique également, les premiers principes et le fond même du mysticisme espagnol. Ils viennent d’un peu loin, ces principes premiers : de Pythagore, s’il vous plaît. Et de là, par Aristote, puis par Boèce, puis par Isidore de Séville, ils seraient arrivés au XVIe siècle, où, dans l’œuvre des écrivains et des musiciens de l’Espagne, ils auraient enfin trouvé leur pleine application. Par Aristote d’abord, entendez bien cela. Aristote est le centre, ou plutôt le sommet de cette longue évolution esthétique, où Platon en revanche n’eut pas la moindre part. L’étude d’un tel mouvement à travers les siècles et les œuvres n’est pas la partie la moins intéressante du livre de M. Collet. On y trouve marqué, défini, le tribut apporté par chaque époque, par chaque penseur musicien à l’œuvre commune. Pour le lecteur profane, il est vrai, de telles choses ne vont pas toujours toutes seules. Comment, par rapport à la genèse et dans la genèse même du mysticisme, et du mysticisme espagnol, l’aristotélisme non seulement se distingue du platonisme, mais s’y oppose et le contredit, c’est de quoi, faute d’être assez grand clerc en métaphysique, nous n’oserons point raisonner ici. L’auteur apparemment s’y connaît, et s’y reconnaît mieux que nous. A travers les âges et les œuvres, sous l’influence, non pas contraire, mais conforme, paraît-il, de la philosophie juive et de la philosophie arabe, il ne perd pas un moment la suite ou le fil de cette tradition aristotélicienne, dont il nous représente l’Espagne comme ayant été le rempart, ou mieux la citadelle, ou enfin, puisqu’il s’agit de musique, le Conservatoire inexpugnable.

La théorie mystique de l’Amour divin ; le pouvoir d’évocation et