Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/718

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plusieurs années d’études et de préparations. Ils vivent dans l’illusion de leur pérennité. Ils savent d’ailleurs fort bien que, s’ils introduisent ces impôts dans le budget, le Sénat les en disjoindra jusqu’à plus ample information. Alors, quel jeu jouent-ils devant le pays ?

La Commission du budget n’a pas borné là ses premiers exploits. Elle n’a pas fait d’objection à ce que l’emprunt fût fait en rente perpétuelle 3 pour 100 ; mais quand il s’est agi de dire que cette rente ne serait jamais soumise à l’impôt et à prendre à cet égard un engagement formel, elle a reculé et équivoque. Son rapporteur général, M. Noulens, avait introduit dans la loi une formule qui constituait un engagement formel, et il avait mis dans son rapport une phrase qui constatait et consacrait le caractère « contractuel » de l’engagement. C’est ce que la Commission n’a pas accepté. Elle a exigé que l’idée d’un contrat disparût du rapport et, après avoir admis que le texte de la loi mentionnât les privilèges et immunités dont la nouvelle rente jouirait comme l’ancienne, elle a ajouté une phrase entortillée pour expliquer qu’en cela elle n’avait « pas cru aliéner les droits de l’État, ni porter atteinte au principe maintes fois affirmé de l’égalité de tous les contribuables et de toutes les valeurs mobilières devant la loi. » En somme, ce que la Commission donne d’une main, elle le reprend de l’autre. Une autre rédaction, proposée par M. Théodore Reinach, réduirait à dix ans la durée de l’immunité de La nouvelle rente. Étrange aberration ! Il serait difficile, à la veille d’un emprunt, de le frapper d’avance d’un pire discrédit. Le gouvernement est décidé à porter devant la Chambre les questions que la Commission a si étrangement résolues. Il prendra la Chambre pour arbitre, il posera devant elle la question de confiance : on verra alors quelle est l’autorité d’une Commission qui n’a pas de majorité et où les votes sont émis par 14' voix contre 13. Déjà, le groupe important de l’Entente démocratique et sociale, présidée par M. Guist’hau, réagissant fortement contre la Commission du budget, a donné raison au gouvernement contre elle. Il est même allé plus loin que lui : le gouvernement demande ! 300 millions à l’emprunt, le groupe veut lui en donner 1 500 millions, et M. Barthou semble tout disposé à les accepter. Il est temps de tirer tout cela au grand jour. La tribune est pour le gouvernement le véritable instrument d’action, tandis qu’on l’égratigne et qu’on le diminue, sans qu’il puisse se défendre, dans les conversations de couloirs et dans la pénombre des commissions. Il est impatient de s’expliquer.

Cette impatience s’est manifestée chez M. Barthou par le discours