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Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 18.djvu/717

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qu’il oppose violemment l’une à l’autre : les riches et les pauvres, et il conclut que les riches doivent supporter tout le poids des impôts nouveaux et les pauvres en être indemnes. Mais, où finissent les riches et où commencent les pauvres ? Il est difficile de le préciser. Les riches, les vrais riches, sont peu nombreux en France, et nous en dirons presque autant des vrais pauvres ; c’est la classe moyenne qui est de beaucoup la plus nombreuse. Un impôt qui ne porterait que sur les vrais riches les ruinerait et serait d’un faible produit. Les seuls impôts qui rapportent sont ceux que tout le monde paie, chacun bien entendu en proportion de ses moyens, et rien d’ailleurs n’est plus conforme à la justice sociale. Quoi qu’il en soit, les radicaux et les radicaux-socialistes s’agitent. Le gouvernement a proposé, pour couvrir l’emprunt, une aggravation de l’impôt successoral qui est déjà si lourd : les socialistes et les radicaux socialistes acceptent cet impôt en principe, ils y reviendront dans un moment, mais il suffit que le gouvernement le propose pour qu’ils l’écartent provisoirement, afin de faire place à leurs propres conceptions : impôt sur le revenu, impôt sur le capital, impôt sur l’accroissement de la fortune, quoi encore !

L’impôt sur le revenu est, on s’en souvient, pendant devant le Sénat. À la fin de la session d’été, la Commission des réformes fiscales à la Chambre, ne voyant rien venir du Luxembourg, a menacé de s’emparer de nouveau de la question, et le gouvernement a donné au Sénat un avertissement un peu enveloppé dans la forme, mais très net dans le fond, pour le presser d’aboutir, l’impôt sur le revenu devant être incorporé dans le budget de 1914. S’il pourra l’être, nous n’en savons rien. Toutefois, la question a été longuement étudiée et l’impôt sur le revenu, à supposer qu’il soit voté, ne sera pas le résultat d’une improvisation. Mais l’impôt sur le capital, mais l’impôt sur l’accroissement de la fortune, mais les autres dont on parle sont, au point de vue législatif et parlementaire, des questions nouvelles qui ne peuvent pas être résolues en un jour : elles prendront même beaucoup de temps ! La Chambre donne, en vérité, un singulier spectacle ; elle a l’air de se croire immortelle, alors qu’il lui reste à peine quelques mois à vivre ; elle embrasse, ou, du moins, on lui propose d’embrasser des travaux qui, normalement, rempliraient plusieurs législatures, et elle est sur le point de disparaître. Les députés, dans les couloirs, devraient s’aborder comme le font, paraît-il, les trappistes, en se disant les uns aux autres : Frère, il faut mourir ! et ils ne parlent que de discuter et de voter des impôts qui, en mettant les choses au mieux, exigeraient