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on me dit : « Ne prendrez-vous pas l’initiative de nous réunir ? Il faudrait constituer une société des amis des églises. On trouverait aisément, chaque année, les sommes nécessaires pour subvenir à l’entretien des édifices religieux. » M. de Narfon, dans le Figaro, fait campagne en faveur de cette méthode. Il est venu me voir. Je lui ai répondu que cette conception m’était beaucoup recommandée, que M. Briand lui-même, au cours de la discussion publique, m’avait engagé à solliciter les catholiques et les artistes, et à créer une association qui réunirait des fonds pour les églises, mais que j’y étais opposé. Rien ne me déplairait plus qu’une telle manière de procéder. Les églises appartiennent au catholicisme et à la France. Les confier au bon vouloir de quelques-uns, c’est une innovation que je réprouve de tout mon cœur et de tout mon esprit. Je ne méconnais pas la générosité de ceux qui s’offrent à la rendre viable, mais je ne veux pas, dans une telle matière, créer un privilège, ou une apparence de privilège en faveur des riches. C’est la nation qui a des devoirs et des droits, à côté du clergé, envers les églises de France, et je me donne pour mission de le rappeler à la nation.

Est-ce à dire que je réprouve une entente des amis des églises ? Nullement. Je la crois nécessaire. Je ne suis pas partisan de se grouper pour accaparer les églises, mais je suis partisan de se grouper pour les défendre.


Un matin, je vis entrer dans mon cabinet de travail deux hommes jeunes, distingués, presque timides, l’un fort délicat de santé. Ils se nommèrent. C’étaient deux de mes voisins de Neuilly, deux peintres, MM. Paul et Amédée Buffet, auteurs de tableaux religieux. Ils aimaient les églises comme catholiques et artistes, et venaient fort émus me demander ce qu’il y avait à faire, comment on pourrait rassembler les peintres, les sculpteurs, les verriers, les architectes pour la défense de nos monumens religieux. Nous nous arrêtâmes immédiatement à l’idée d’une pétition. Dans quels termes la rédiger ? Sur un coin de mon bureau, ils combinèrent un texte avec des lambeaux de mon discours. C’était une lettre très brève adressée au Président de la Chambre : « Profondément émus par de nombreuses et récentes destructions d’humbles églises, sans style peut-être, mais pleines de charme et d’émouvans souvenirs, de